Aller au contenu

Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Formée de cent peuples divers, qui tous avaient gardé leurs coutumes et leurs vêtements, elle observait une rigoureuse discipline et marchait par rangs de quatre, encadrée par ses seyâfs, ses raïs-el-saff et ses khalifas.

Elle comptait des hommes de toutes couleurs, depuis les Dinkas noirs comme les alluvions de leur terre natale jusqu’aux Bongos d’un brun rouge comme leur sol, et Darwin eût trouvé dans ces similitudes une confirmation de sa théorie préférée sur la ressemblance protectrice entre l’aspect des animaux et leur refuge.

Les Chillouks, qui bordent le Nil, avaient envoyé à la légion du Prophète leurs plus beaux guerriers ; ils suppléaient à l’absence de vêtement par une couche de graisse et d’huile recouverte de cendres, et se faisaient remarquer par leur langage inarticulé, parce que tout jeunes ils s’étaient arraché les incisives de la mâchoire inférieure.

Les Baggaras rappelaient par la forme de leurs crânes ceux des anciens Egyptiens. Les Nouers, à la chevelure teinte en rouge, peuple guerrier par excellence, se faisaient précéder de musiciens munis de tambours faits d’une bille de tamarinier et grattant une lyre monocorde avec un éclat de roseau.

Les Mittous étaient redoutés pour leur adresse à lancer des flèches empoisonnées et pour leur mépris de la mort ; les Nubiens s’étaient frottés de la sueur du cheval pour se donner des forces, et pendant l’embarquement conservaient les yeux à terre pour ne pas rencontrer un regard chargé de maléfices.

Les Kabachichs trempèrent dans l’eau du rivage des versets du Coran pour se rendre la mer favorable.

Derrière eux passèrent les Golos, reconnaissables à leurs tatouages de dix rayons linéaires partant du nez, et les Tedas, les soldats les plus faciles à nourrir de toute l’armée noire, car tout leur était bon.

L’explorateur Nachtigal, qui les visita, raconte qu’ils profitèrent de son sommeil pour dévorer ses souliers.

Les Niams-Niams, qui s’étaient tigré la peau comme pour une fête avec le suc du nganye, le gardénia de l’Afrique centrale, puis les Monbouttous fermaient la marche.

Très fiers de leurs récents exploits en Abyssinie, ces