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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/193

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Les cavaliers de l’Adamaoua, munis de leurs cuirasses matelassées, s’embarquèrent avec leurs chevaux bardés du même revêtement sur d’immenses radeaux terminés le matin même.

Mais ce furent les Diours, peuplade du pays des Rivières, qui eurent le privilège d’étonner le plus les Européens qui assistaient à l’embarquement.

Avant de monter dans les barques ou sur les radeaux, ils se crachèrent réciproquement à la figure avec une gravité et une vigueur dignes d’une démonstration moins vulgaire.

Et Zahner fut obligé d’imposer silence au rire inconvenant qui s’empara d’Hilarion à la vue de ces échanges d’un goût douteux.

— En v’là des manières ! s’exclamait le tirailleur avec son inimitable accent ; on voit bien qu’ils n’ont jamais mis les pieds dans des chambrées ous’qu’il y a des crachoirs.

Omar expliqua à de Melval que, dans les tribus de ce nom, les gens se crachaient à la figure en s’abordant pour se souhaiter la bienvenue et surtout pour conjurer le mauvais sort. Il n’était pas rare de voir deux Diours consacrer cinq minutes à cet exercice avant d’avoir échangé un seul mot.

— Après quoi, conclut Omar, ils s’essuient tranquillement.

— Mais ils ne s’essuient pas du tout, reprit l’incorrigible Hilarion ; je les vois bien d’ici, ils gardent ça précieusement comme des grains de beauté.

— Le roi des Diours seul, poursuivit Omar, est dispensé de recevoir ces marques de sympathie, et qui oserait lui manifester ainsi son respect aurait la langue coupée. En revanche, sa cour, ses femmes surtout recherchent avidement ces marques de la faveur royale, et son premier ministre eût cru à une disgrâce, si le Roi, chaque matin, l’eût oublié.

Après ces étranges gentlemen, les Touaregs s’embarquèrent ; ils étaient les derniers de la légion, chacun d’eux conduisant son méhari porteur de la tente de cuir et des ustensiles de cuisine et de campement ; pour eux, les radeaux avaient été recouverts d’une couche de sable pour décider les chameaux à s’y embarquer, car on pouvait