Aller au contenu

Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lent-ils les laborieuses fourmis qui construisent ces palais, du nom de Kida-kida (travail-travail).

Pour la deuxième fois, le jour se leva depuis que le Tzar, aux mains de Saladin, voguait vers l’inconnu. Il était arrivé à sa première étape, le Tchad ; il s’agissait de se mettre en rapport avec des êtres humains. Le ballon s’éleva lentement au-dessus des eaux à huit heures du matin, dilaté par les rayons d’un soleil déjà chaud, il atteignait l’altitude de 3.000 mètres, et poussé par une légère brise se dirigeait sans manœuvrer vers la côte occidentale du lac.

Du point où il se trouvait, Saladin embrassait presque tout l’ensemble de cette mer intérieure, comparable pour la surface, au lac Baïkal, ou au lac Erié ; il planait à la fois sur le Bornou habité par les Kanouris, sur le Baghirmi où dominaient les Arabes, et sur le Kanem, dont la plus grande partie était tombée depuis longtemps aux mains des Ouled-Slimans, les plus redoutables pillards du désert.

Il avait assez la connaissance des hommes et des choses d’Afrique pour connaître ces terribles écumeurs dont le nom soudanais est Minnéminné, c’est-à-dire « dévoreurs », et qui ne craignent pas de s’attaquer aux Arabes musulmans comme eux.

Il savait qu’au nombre d’un millier à peine venus de la Tripolitaine où ils s’étaient heurtés aux Turcs, ils avaient terrorisé tout le Kanem et le Borkou, capturé en quelques années plus de cinquante mille chameaux et consommé des attentats sans nombre.

Vainement des Touaregs Kel-Owi, se réunissant contre eux en 1859, étaient parvenus à les cerner dans une étroite vallée et les avaient massacrés presque tous ; leur puissance s’était reconstituée à l’aide de nouveaux émigrants tripolitains, et telle était la terreur qu’ils inspiraient aux habitants des oasis, que ceux-ci s’abstenaient de récolter les régimes de leurs propres dattiers, attendant que les Ouled-Slimans fussent venus en faire la récolte.

En vain aussi le Cheik suprême des Snoussis les avait à plusieurs reprises maudits et anathématisés, ils n’en continuaient pas moins sur leurs coreligionnaires leur système de déprédation sanguinaire.