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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/265

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entre la manière dont vous observez votre religion et celle dont nous pratiquons la nôtre ; veux-tu un exemple ? Vous avez le carême et nous avons le Ramadan. Combien de chrétiens chez vous observent sérieusement le carême qui, pourtant, n’est pas une pénitence sérieuse ? Eh bien, chez nous, un musulman, qui romprait le jeûne du Ramadan, serait lapidé.

Et pourtant Dieu sait si ce jeûne est dur, quand il tombe en été. La privation de boire par les chaleurs torrides de juillet devient une véritable souffrance ; tu vas, d’ailleurs, être témoin du zèle avec lequel nos soldats l’observent malgré leur fatigue puisqu’il commence dans quinze jours.

— C’est vrai, dit de Melval, j’ai déjà fait toutes ces réflexions ; seulement comme plusieurs Européens ont déjà visité La Mecque et fait son pèlerinage.

— On les compte, le sais-tu ? Les uns ont pu y pénétrer au moment de la guerre soutenue par les Égyptiens contre les Wahabites, en se glissant dans le cortège de Méhémet-Ali, les autres sous le déguisement du hadji (pèlerin) ; on les cite : ce sont l’espagnol Badia ou Ali-bey en 1818, l’anglais Burckhardt en 1814, Burton en 1853, Maltzan et Keane en 1860, le docteur Hollandais Snouck en 1886, enfin en 1894 un jeune Français, Courtellemont, dont j’ai admiré vraiment l’audacieuse tentative, car il y a risqué dix fois sa peau : au total six.

— Sept, car tu oublies Léon Roches, le seul que je connaisse, et dont la relation si complète et si intéressante dans le livre Trente ans à travers l’Islam[1], me donne tant envie de pénétrer dans la « Kaaba ».

— Oui, il y a encore celui-là ; mais réfléchis aussi que tous ceux que nous venons de nommer n’ont pu pénétrer dans la Ville sainte qu’à cette époque de tiédeur musulmane que j’ai si souvent entendu déplorer à mon père…

  1. C’est de ce livre extrêmement intéressant et dont la lecture ouvre sur le monde musulman et sur Abd-el-Kader des horizons nouveaux, qu’ont été tirés nombre de détails du pèlerinage si curieux et si peu connu de La Mecque. L’auteur de l’Invasion noire profite de ces emprunts pour adresser à M. Léon Roches, ancien ministre plénipotentiaire et secrétaire intime d’Abd-el-Kader, l’hommage de sa sincère admiration.