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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/271

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per de notre inaction d’aujourd’hui. Ainsi donc, me voilà capitaine ! Je vous ai sottement interrompu au moment où vous alliez me faire connaître mes nouveaux droits dans le détachement : quels sont-ils ?

— Vous avez droit, mon cher :

1° Au titre de capitaine donné par notre unique soldat Hilarion, que je vais en aviser officiellement ;

2° Au tutoiement de ton ancien capitaine et ami.

Sous la phrase rieuse et plaisante de son ancien chef, Zahner sentit l’intention affectueuse et tendit les mains.

— Mieux que ça, fit de Melval, tu as droit à l’accolade.

Et, émus tous deux malgré eux, les deux officiers s’embrassèrent.

— Une rude histoire qui nous sera arrivée là, fit Zahner les yeux humides ; quand nous raconterons ça au retour, ce qu’on nous traitera de blagueurs.

Et quand tu raconteras que toi, un mangeur de prémier ordre, tu as observé rigoureusement le Ramadan, ce sera bien pis, dit de Melval, on ne te croira plus du tout.

— Moi, observer le Ramadan ! ah ! pour ça non ! en voilà une de coutume idiote qui empêche les gens de manger le jour et leur permet de se bourrer la nuit ; et ils appellent ça une pénitence, une privation ! comme si tout le monde ne savait pas qu’ils font des noces de cordonniers quand le soleil se couche !

— Il paraît pourtant que c’est une privation, dit en riant de Melval, puisqu’elle t’embête.

— Assurément que ça m’embêterait, surtout de ne plus boire par les chaleurs qu’il fait ; et puis, plus la moindre bouffée de tabac, dit Zahner qui, depuis sa « mise en subsistance », avait toujours trouvé moyen de fumer son chibouk matin et soir.

— Ce n’est pas tout, poursuivit de Melval, riant plus fort, il y a des privations plus sensibles que celles-là : ce terrible Mahomet a interdit, pendant le Ramadan, certains plaisirs profanes que tu devines, et ta jeune Hourida devra s’en apercevoir.

— Hourida ! fit Zahner, dont le sourire commencé se termina en grimace.

— Oui, ta naïve, ton ingénue…