Aller au contenu

Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/285

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— T’aurait-elle trompé ? Dieu d’Âbraham !

— Trompé ! ce n’est même pas trompé, fit-il d’un air rageur, mais elle s’est fichue de moi dans les plus grandes largeurs… Je l’aurais proclamée la plus naïve des femmes noires et blanches ; je lui aurais donné le diable sans confession, j’aurais juré… Eh bien, sais-tu ce que j’ai découvert, il y a quinze jours ?

— Tu me mets sur le gril, dépêche-toi donc !

— Voilà : tu ne seras pas long à comprendre ; tu sais, la vieille duègne…

— Oui, celle qui la préservait des contacts impurs.

— Parfaitement : un soir je la trouvai en train de compter des pièces de 20 francs enfilées toutes ensemble et formant plusieurs colliers ; elle ne me croyait pas là, elle étalait ainsi avec complaisance toute une fortune sortie d’un vieux morceau de tapis.

— Eh bien ?

— Attends… pressée de questions, elle finit par m’avouer que tout cela appartenait à Hourida.

— À Hourida ! fit le capitaine de plus en plus surpris, mais comment ?

— Tu n’y es pas ? Ah mon pauvre capitaine, tes souvenirs de Laghouat sont donc bigrement loin, et les Ouled-Naïl ?

Il eut un silense.

— Hourida, une Ouled-Naïl ! s’écria de Melval qui faillit s’étrangler dans un accès de rire subit.

— Oui, reprit Zahner, dont l’air pensif était comique à voir, et une Ouled-Naïl riche, c’est-à-dire exerçant depuis trois ans au moins.

— Trois ans ! ah, bon Dieu ! et tu l’as crue…

— Peut-être quatre, mon cher ; elle connaît Tlemcen, Boufarik, Cherchell, Médéah ; elle a fait les trois provinces. Je l’ai confessée aussitôt, comme bien tu penses, et elle m’a avoué, toujours naïvement, avoir connu là-bas le petit Baills, et Linarès, de ma promotion, et Bichat, de mes recrues, elle a même dû pousser jusqu’en Tunisie, car elle m’a cité d’autres noms, Gousseau, Trousson, du Pasquet, Renouard… mais ils sont des centaines, te dis-je, car sa dot est ronde… le voilà, mon trésor d’innocence ! Ça te paraît plaisant, hein !