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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/293

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met (que Dieu nous fasse partager sa sainteté !), simulait souvent des extases et des communications divines, alors qu’elles ne s’étaient pas produites. César faisait parler les entrailles des victimes au mieux de ses intérêts. Alexandre faisait dire à l’oracle de Delphes ce qui convenait à ses desseins.

— Nous sommes en bonne compagnie, fit en riant le jeune prince.

Le Sultan alla jeter un coup d’œil à la porte de la tente pour s’assurer qu’aucune oreille indiscrète n’avait pu recueillir sa singulière déclaration de principes ; puis, baissant la voix :

— Le levier du fanatisme religieux, reprit-il, est le plus puissant de tous : quel autre eût pu ébranler de pareilles masses ?

— C’est vrai.

— Dès lors, il faut mettre à la portée de l’intelligence des hommes, à portée de leurs défaillances et de leur faiblesse surtout, les procédés d’entraînement et de direction… Dieu nous a donné la supériorité du jugement et de volonté ; il nous permet de voir de loin et de haut ; il nous a livré l’occasion, l’occasion qui n’apparaît à de rares élus qu’à des siècles d’intervalle ; il nous ordonne donc implicitement de trouver dans nos ressources humaines les moyens d’action secondaires dans le détail desquels il serait indigne de lui d’entrer.

— Par exemple, dit Omar, cette émotion… qui va se répandre ce soir dans la ville.

— Et surtout, ajouta le Sultan, ce… miracle que je suis en train d’organiser et que je crois fort possible, grâce à ce ballon qui nous est tombé du ciel.

— Un miracle ! lequel ?

— Je ne t’en parlerai, répondit le Sultan, que quand je serai assuré de sa possibilité, c’est-à-dire quand j’en aurai fait une… répétition.

Un sourire passa sur les lèvres d’Abd-ul-M’hamed.

Le sourire du sphinx !

Certes, il croyait en ce Dieu dont il se disait le premier ministre sur la terre : il était convaincu de l’excellence de la religion musulmane ; mais il croyait au génie de Mahomet