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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/292

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d’ajouter ce terrible élément de démoralisation à ceux qu’auront déjà suscités notre marche et notre réputation de cruauté ?

— Et tu comptes, mon père, te servir pour cela de nos propres malades ?

— Quoi de plus naturel et de plus efficace ? Ne sais-tu pas que le moindre contact, le port de linges souillés, le dépôt d’immondices suspects et à plus forte raison le séjour de cadavres en putréfaction, suffisent à créer des foyers de contagion !

— Je le sais : assez d’exemples l’ont prouvé, à Damas, à Alep, à Bassorah ; mais j’avoue que j’ai songé au parti à en tirer sans m’y arrêter sérieusement.

— C’est que ton esprit a été faussé par l’éducation que tu as reçue en France, mon pauvre enfant ; les peuples d’Europe consentent bien à tenter de temps à autre le sort des armes ; mais c’est avec un ensemble d’atténuations et de précautions qui font de leurs luttes ce qu’on a appelé la « guerre à l’eau de rose » : respect des prisonniers, interdiction d’achever les blessés, suppression des balles explosibles, défense d’utiliser les poisons, que sais-je encore ! Toutes ces dispositions restrictives, conventions de Genève ou autres, n’ont rien à voir avec la lutte sans merci que nous entreprenons ; je vais leur faire voir, moi s’écria le Sultan en scandant ses mots, ce que sont vraiment les « horreurs de la guerre », dont ils parlent sans cesse et qu’ils ne connaissent pas !

Et comme le jeune prince restait silencieux :

— Je vois que tu ne pèches pas par excès d’imagination, reprit le Sultan ; mais ne te préoccupe pas de ces procédés dont je viens de te donner une légère esquisse ; je me charge, le moment venu, de leur mise en pratique. Parlons plutôt du projet que nous avons combiné ces jours-ci et dont nous allons juger les effets à La Mecque ; tout est-il prêt, au moins ?

— Je le crois, car le Chérif a répondu ce seul mot : « J’ai compris ».

— Voilà un homme intelligent : il sait bien, lui, que les conquérants ont toujours eu recours à des moyens de ce genre pour agir sur les masses. Notre grand ancêtre, Maho-