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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/309

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Il venait d’apercevoir son ancien suzerain, le Sultan, debout, sous la haute porte de Bab-el-Selam.

Il se sentit poussé, jeté, roulé jusqu’à ses pieds, et quand il osa relever la tête, le regard du Sultan, froid comme de l’acier, l’acheva.

Et ce fut comme dans un cauchemar qu’il entendit sa condamnation :

— Tu as été le vil esclave de l’Anglais ; tu as usurpé la place d’Abbas-Hilmi, l’espoir de l’Égypte, et tu as replongé ton pays dans l’oppression : Dieu t’a maudit !

— Tu as trahi ton maître ; tu l’as chassé comme un esclave d’un domaine qui était le sien : tu as été félon et lâche : Dieu te condamne !

Et se tournant vers le chef des eunuques :

— Allah défend pendant le pèlerinage de verser le sang ; nous devons obéir à sa loi. Que ce maudit soit crucifié à la porte du temple, la tête nue tournée vers le soleil du midi. Il y restera jusqu’à sa mort par la faim et chaque fidèle, en entrant dans le lieu saint, devra le souffleter d’un crachat !

Deux jours après, le misérable respirait encore. Les gypaètes rôdeurs de nuit avaient sournoisement, de leur bec recourbé, vidé ses yeux, et son corps n’était plus qu’une immondice que guettaient les corbeaux.

Le lendemain de cette exécution, des cavaliers partaient dans toutes les directions portant les ordres du maître, et, de nouveau, le flot humain roula vers le Nord, d’une marche lente mais sûre, comme celle des sables dont le siroco pousse devant lui les nappes brûlantes.

Le Sultan avait donné rendez-vous à tous les chefs à Médine.

Située à 150 kilomètres de la côte sur laquelle Yambo lui sert de port, la deuxième ville sainte de l’Arabie était en dehors de la zone de parcours des armées en marche, et ce fut à méhari que la troupe de ces conducteurs de peuples, formant à eux seuls une petite armée, parcourut la distance de 380 kilomètres, qui sépare Médine de La Mecque.

Ils allaient s’y prosterner devant le tombeau du Prophète, et ce ne fut pas un des moindres étonnements des