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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/308

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pressés, devinait sous ces voiles une captive de sang noble envoyée au Sultan par quelque chef éloigné.

Mais l’un des Tibbous desserra la sangle qui maintenait l’échafaudage d’étoffe, et celui-ci s’abattit, découvrant un être humain à l’aspect bizarre, étendu sur le dos de l’animal.

C’était un homme à la figure émaciée, à la moustache noire, tombante, et dont les yeux clignotaient sous le soleil brûlant ; son costume semblait venir en ligne droite d’un bazar de Stamboul.

Il portait une tunique couverte de broderies du haut en bas, comme celle des ambassadeurs : un large ruban écarlate la coupait en écharpe, et les décorations nombreuses qui s’étalaient sur sa poitrine, s’entre-choquaient à chaque mouvement du chameau.

Sur cet uniforme fripé, déchiré, la boue avait été jetée comme à plaisir ; elle montait jusqu’à la face dû misérable, recouverte elle-même d’une épaisse couche de poussière ramassée pendant la route ; un pantalon rouge à bandes d’or remontait, découvrant ses pieds nus ensanglantés, et la corde, qui serrait les jambes et les fixait sur les flancs du méhari, avait déchiré l’étoffe et entrait dans les chairs.

Un katib s’approcha, qui suspendit au collier de cuivre de l’animal une large pancarte où on lisait :

Twefik, khédive et traître.

Alors une huée formidable éclata sur la place de la mosquée où la caravane venait d’arriver, et les Tibbous durent, du bois de leurs lances, écarter la foule dont la pesée menaçait d’écraser le prisonnier.

Deux noirs gigantesques tranchèrent les liens qui l’attachaient à l’animal, et il roula à terre comme une masse inerte, dans un hurlement de souffrance qui résumait toutes les tortures subies pendant la route.

Il essaya de se relever, jeta autour de lui un regard atone, la bouche ouverte, la langue pendante, et, soudain, son front retomba balayant le sol.