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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/40

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imbéciles et de ce Mospha stupide qui, accroupis tout le jour, celui-ci mangeant ou digérant, ceux-là marmottant des versets du Coran, lui laissaient le souci constant de la manœuvre.

Peut-être aussi découvrirait-il, dans les renseignements qui lui seraient donnés ou les dépêches reçues de France, un indice qui le mettrait sur la piste de ce Maître extraordinaire dont il sentait l’action partout et la présence nulle part.

D’ailleurs, à cette pensée qu’il allait revoir des Français après cette longue période d’isolement, il avait ressenti quelque chose comme une vague émotion, tant il est vrai que, même chez les plus grands criminels, l’instinct qui pousse l’homme vers ceux qui parlent sa langue et au milieu desquels il a vécu, l’idée de patrie en un mot, subsiste malgré tout.

Il quitta le Niger, passa au-dessus de Liki, capitale du Bariba, point de convergence de tous les chemins de la région, laissa sur sa droite le pic de Tzarara, qui domine de 2.500 mètres le territoire des Mahis, et arriva au-dessus du plateau d’Abomey.

Mais ce fut en vain qu’il chercha cette capitale partout la ruine et l’incendie avaient passé ; la garnison française avait disparu, les baraquements du génie, le fortin entouré de palissades qui servait de réduit, et le palais du nouveau roi, formaient sur le sol des amas de cendres noires que le vent allait bientôt disperser.

Il ne restait plus debout que l’allée de vieux arbres qui joignait Abomey à la ville sainte de Cana.

Un Dahoméen, que l’interprète put enlever sans trop l’endommager, lui apprit que Da-Glé, après ses succès, était parti vers le Nord.

— Qui çà, Da-Glé ? demanda Saladin.

— Da-Glé ! le fils de Béhanzin : il a tué le roi nommé par les Français, et il est maintenant le maître !

— Et le Sultan, le grand Sultan, le connais-tu ?

L’indigène montra le ciel.

Évidemment, pour lui le Sultan était un prophète qui dirigeait tout de là-haut ; à de pareilles distances, son action revêtait une forme surnaturelle.

Du point où il planait, l’interprète voyait la ligne bleue