encore il ne pouvait imaginer qu’un homme fût assez audacieux pour venir s’offrir à lui, livrer sa personne et son ballon et trahir ensuite.
Omar seul avait émis à son sujet une hypothèse fâcheuse.
— Vous le savez, mon père, dit-il, j’ai une instinctive horreur des traîtres ; la figure de celui-ci ne me revient pas plus que celle de ce Zérouk. Qui a trahi, trahira ; or, qui vous dit que cet homme n’est pas un de ces fanatiques décidés à sacrifier leur vie pour prendre la votre ?
— Mais il a été fouillé avant d’entrer ici ; il n’avait aucune arme.
— Il en recèle peut-être de terribles à bord de cet aérostat.
— Nous allons le faire visiter de fond en comble ; il nous y a conviés lui-même.
— Certains engins nouvellement inventés peuvent nous échapper.
— Nous allons mettre auprès de lui des gens de confiance qui ne le quitteront jamais : Mata, par exemple.
— Y consentira-t-il ?
Saladin consentit à tout ; au contraire, il désirait recevoir des mains mêmes du Sultan des auxiliaires intelligents pour remplacer ceux qu’il avait amenés d’Algérie et qui avaient hâte de descendre à terre.
Il devait d’ailleurs tenir la promesse qu’il avait faite à ces derniers de les libérer dès qu’il aurait retrouvé le Sultan.
— Combien t’en faut-il ? demanda Abd-ul-M’hamed.
— Quatre me suffiront.
— Tu les lui choisiras, Omar.
— Oui, mon père.
— Et quels services peut nous rendre ton ballon en ce moment ?
D’abord, répondit Saladin, porter tes ordres à toutes les armées en marche. J’en ai rencontré des masses nombreuses se dirigeant, les unes vers le Nord-Est et les autres vers l’Est ; ces dernières t’auront rejoint dans quelques semaines ; les messagers que tu leur envoies ne peuvent les atteindre qu’après de nombreux jours de marche ; mon ballon va plus vite que l’aigle ; je serai pour toi ce que le fil télégraphique est dans les armées européennes.