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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/9

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Sa satisfaction était plus grande au fur et à mesure qu’il avançait ; le ballon lui obéissait comme un coursier docile ; les quelques inquiétudes qu’il avait conçues relativement à sa direction s’évanouirent : seul et manœuvrant avec prudence, il arriverait à être le maître de sa marche, et l’ombre qu’il projetait sur le sol lui montrait, en grossissant à vue d’œil, la rapidité de sa course. Quelques instants après il arrivait au-dessus du champ de bataille de la nuit et arrêtait l’aérostat à 1.000 mètres au-dessus de l’immense charnier.

Le spectacle était saisissant.

Le camp français tout entier se développait encore au milieu de la plaine, dans l’ordre qu’il occupait lorsque tous ses soldats étaient debout, les lignes des combattants étaient nettement marquées par des monceaux de cadavres apparaissant d’en haut comme des taupinières très rapprochées et laissant voir, au milieu des carrés, des chevaux étendus et les officiers tués près de leurs chevaux.

Au centre du camp c’était un fourmillement.

Les Noirs, par centaines, étaient occupés à faire l’inventaire du convoi ; ils ne pillaient pas, cari les chefs veillaient ; les ballots d’effets, les caisses de biscuits et de conserves, les sacs de légumes secs et de café étaient emportés vers le Sud, où déjà se dirigeaient de longues colonnes, semblables à des tronçons de serpents.

Saladin comprit que les vainqueurs retournaient à l’oued qui leur avait servi de lieu de concentration, parce que là ils retrouveraient l’eau.

Dans toutes les directions, des chameaux, des mulets échappés erraient à l’aventure.

Les canons apparaissaient noyés au milieu des cadavres et autour d’eux des grappes humaines s’agitaient ; les pièces et les affûts étaient trainés hors du charnier, les caissons chargés à dos d’homme, et tout ce matériel s’ébranlait peu à peu dans la même direction.

On sentait qu’une volonté unique dirigeait tout cela.

Les Noirs ne dédaignaient pas les armes de leurs adversaires et allaient se renforcer avec leurs dépouilles, car de longues files circulaient portant des brassées de fusils.

Un grand nombre d’entre eux, harassés par le combat de