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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/96

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nisées ; si l’insurrection obtenait maintenant un résultat qu’elle n’avait pu atteindre en 1871, lorsque la France était à terre, saignée aux quatre veines si elle débutait par un coup semblable, quels spectacles leur étaient donc réservés ?

La fin de l’Europe, l’anéantissement de leur pays, tous ces projets qu’ils avaient pris pour des rêves allaient-ils donc s’accomplir ?

Oh ! arriver au Rhin !… être libres, retrouver leurs camarades, reprendre leur place dans le rang !

 

Cinq semaines après l’émouvante rencontre de Khartoum, Abd-ul-M’hamed et Omar, suivis à quelque distance d’une faible escorte, arrivaient au sommet des falaises rocheuses qui dominent l’étroite plage de sable comprise entre le Raz Doumeirah et le mont Sidjan sur les bords de la mer Rouge.

Zérouk, le chef du service des poudres, étendit la main vers l’Orient et son geste embrassa l’horizon.

— Maître, c’est l’heure favorable pour observer, car tout à l’heure à la tombée de la nuit, tous ces vaisseaux que tu vois couvriront de lumière électrique la mer et le rivage.

Au loin, la côte d’Arabie se dessinait, vivement éclairée par le soleil descendant doucement derrière le mont Haddali dont la masse arrondie domine le détroit de Bab-el-Mandeb.

Par cet étranglement de 22 kilomètres entre la pointe de Cheik-Saïd et le promontoire de Sidjan, la mer Rouge communique avec le golfe d’Aden et l’océan Indien, fossé de 2.000 mètres de profondeur creusé entre les deux masses continentales d’Asie et d’Afrique.

À 19 kilomètres de la côte africaine s’interposait l’île volcanique et tourmentée de Périm, sentinelle anglaise regardant les deux territoires français d’Obock et de Cheik-Saïd, semblant interdire jalousement, de ses batteries à fleur d’eau, la route des Indes à tout ce qui n’arborait pas le pavillon britannique.

Mais c’était en deçà de Périm, dans la grande branche du détroit, que se concentrait toute l’attention du chef de l’Invasion noire, car, à l’ancre entre les deux continents, s’étalait dans toute sa puissance une flotte internationale, telle que depuis longtemps l’Europe n’en avait mise sur pied.