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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/144

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Alain. La drogue, c’est bête. Les drogués, les ivrognes, nous sommes les parents pauvres. En tout cas, nous nous effaçons très vite. On fait ce qu’on peut.

Alain s’arrêta de nouveau ; il était content, il avait joint à l’ignominie, le grotesque. Brancion, les mains dans les poches, regardait un tableau par-dessus l’épaule de Cyrille qui était sur des charbons.

— Alain, dit Cyrille, ne sachant que dire, tu es un peu parti.

— Non, je ne suis pas parti, mais je vais partir, je suis en retard.

— Ça non, tu vas rester.

— Je vais rester, mais je partirai.

Il se tourna vers Brancion.

— Figurez-vous que je suis un homme ; eh bien, je n’ai jamais pu avoir d’argent, ni de femmes. Pourtant, je suis très actif et très viril. Mais voilà, je ne peux pas avancer la main, je ne peux pas toucher les choses. D’ailleurs, quand je touche les choses, je ne sens rien.

Il avançait sa main tremblante, et il regardait Brancion, quêtant une minute d’attention. Mais Brancion avait entendu, une fois pour toutes, la foule humaine et avait fermé ses oreilles à ce concert de mendiants, de charlatans de carrefours, de tire-laine sentimentaux.

Cyrille se creusait encore la tête pour établir un contact entre les deux hommes, quand Solange vint le chercher.