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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/148

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se laissera faire. C’est drôle, la vie, hein ? Tu es une jolie femme, bonne, tu aimes l’amour et pourtant, nous deux, rien à faire, hein ?

— C’est une question de moment, Alain, entre un homme et une femme.

— Les femmes sont toujours en main.

— Que non ! J’ai des tas d’amies qui vous attendent.

— Elles m’attendent si bien qu’elles m’oublient.

— Mais non, elles cherchent.

— Elles ne cherchent pas, elles attendent.

— Elles aiment peut-être autant que moi l’amour, la chose bien faite.

— Ah ! voilà, la chose bien faite.

Il parlait de plus en plus fort, avec une voix saccadée et le visage criblé de tics convulsifs.

Cyrille vint jusque sur le seuil ; Solange l’éloigna d’un geste.

— Je n’ai pas su prendre soin de moi, mais quand même, au moins une fois, quelqu’un aurait dû s’occuper de moi.

Voilà ce qu’il n’avait pas osé crier aux hommes. Une supplication, ç’aurait tout de même mieux valu que rien. Il peut y avoir beaucoup de force dans une vraie supplication.

— S’en aller sans avoir rien touché. Je ne dis pas la beauté, la bonté… avec tous leurs mots… mais quelque chose d’humain… enfin vous… vous savez les miracles… Touchez le lépreux.