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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/15

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villes d’argile. Dans la grisaille de l’aube, son fard posait ici, puis là, une tache fiévreuse.

Ils arrivèrent à la place de la Trinité. Le bistrot du coin de la rue Saint-Lazare était ouvert ; ‬ils y entrèrent. Le petit peuple qui y prenait des forces considéra, un instant avec une pitié avertie, ce beau couple en déroute. Ils burent deux ou trois cafés, puis ils repartirent.

— Alain, allons encore à pied.

Il fit oui de la tête. Mais la Chaussée-d’Antin lui parut décourageante, et soudain il appela un taxi qui roulait solitaire comme une bille sur un billard hanté. Elle fronça les sourcils ; il lui parut si triste qu’elle refréna sa protestation :

— Je ne pourrai pas vous accompagner au train, déclara-t-il d’une voix un peu rauque, en claquant la portière. Si je ne suis pas à huit heures à la maison de santé, le médecin me fichera à la porte.

Il était sincèrement navré. Elle n’en douta pas, car aucun homme n’était aussi attentif que lui à toutes les petites cérémonies du sentiment.

— Alors, venez à New York, Alain, aussitôt que vous pourrez. Je vous enverrai de l’argent ; je regrette de n’en avoir pas plus aujourd’hui. Je suis sûre que ce que je vous ai donné ne peut vous suffire. Et nous nous marierons. Embrassez-moi.

Elle lui tendit une bouche qui était une