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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/16

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ligne pure, mais qui sentait la nuit amère. Il l’embrassa avec bravoure. Quel beau visage en dépit du fard, de la fatigue, d’une certaine convention d’orgueil. Elle aurait pu l’aimer, mais sans doute prenait-elle peur, définitivement.

Soudain, il pensa qu’il allait se retrouver seul, et, se rencognant dans le fond du taxi, il laissa échapper un violent gémissement.

— Quoi, Alain ?

Elle lui saisit la main, comme si l’espoir la prenait. Leur froideur résignée, leur tranquille affectation craquaient.

— Venez à New York. Mais il faut que je reparte.

Alain ne voulut pas crier : Pourquoi repartez-vous ? Cependant, il savait bien qu’elle n’avait aucune bonne raison. Elle, de son côté, se trouva décidément trop faible pour écarter d’Alain ce qu’on lui avait toujours dit être sa fatalité.

Ils arrivèrent à l’hôtel. Il sauta sur le trottoir, sonna et lui baisa la main. Elle le regarda encore avec de grands yeux bleus dilués, étalés sur ses joues. Ce pauvre garçon charmant, le quitter, c’était le livrer à son plus terrible ennemi, à lui-même, c’était l’abandonner à ce jour gris de la rue Cambon — au bout, les tristes arbres des Tuileries. Mais elle se réfugia dans la décision qu’elle avait prise par précaution : ne rester que trois jours à Paris. Lui,