Aller au contenu

Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Alain haussa les épaules doucement :

— Mais non, je n’ai pas de charme, je suis sympathique à certaines personnes, et encore à certaines… Et puis c’est tout.

— Appelle ça comme tu voudras, mais tu plais.

— Mais non, je ne plais pas. Je n’ai jamais plu à personne. À dix-huit ans, quand j’étais assez beau, ma première maîtresse m’a trompé.

— Le coup était régulier. On est toujours cocu à dix-huit ans.

— Mais ça n’a pas cessé depuis. Toujours très gentilles, mais elles s’en vont… ou elles me laissent partir. Et les hommes…

— Tu n’aimes pas les hommes ?

— Les amis, c’est comme les femmes, ils me laissent partir.

— Ce que tu me dis là m’étonne beaucoup.

— C’est comme je te le dis. Je suis maladroit, je suis lourd. Je me suis donné un mal de chien pour m’alléger. J’avais de la délicatesse dans le cœur, mais pas dans les mains.

— Tu as fait semblant d’être maladroit pour être drôle, mais tu l’as fait exprès.

— C’est ce qui te trompe : je me sentais maladroit, alors je tâchais d’en faire de la drôlerie. Mais je n’ai jamais pu me résigner à ne réussir que dans le genre du clown.

— Mais tu n’es comme ça qu’à tes moments perdus.

— Ma vie, ce n’est que des moments perdus.