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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/176

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tu attendais des télégrammes de New York, jusqu’à ton dernier jour tu as attendu des télégrammes de New York, ils venaient en foule.

Les femmes que tu aimais t’ont aimé. Du moins elles le diront, mais elles ne t’ont pas plus aimé que nous, tes amis. Une fois de plus, nous sommes tous surpris par la mort. Le goût des hommes ? Si cela est vrai il semble que cela n’a été qu’une humiliation de plus. Tu étais chargé d’offenses : plein les poches de tes gilets. Des offenses-breloques.

Ma plus grande trahison, ç’a été de croire que tu ne te tuerais pas.

Tu n’avais rien d’un bandit, tu craignais l’argent des autres : tu étais un bourgeois visité par la grâce et rechignant, ce qui prouve que la grâce était authentique. Oui un chrétien, apparemment un chrétien, au fond pas du tout un chrétien. Car enfin quelle différence y a-t-il entre un païen et un chrétien ? Guère. Une mince différence sur l’interprétation de la Nature. Le païen croit à la nature telle qu’elle se montre ; le chrétien croit à la nature, mais selon l’envers qu’il lui suppose. Il croit que c’est un symbole, une étoffe tachée de symboles. Au jour de la vie éternelle il retourne l’étoffe et il a la réalité du monde : Dieu. Donc le païen et le chrétien ont l’ancienne croyance, croient à la réalité du monde. Tu ne croyais pas à la réalité du monde. Tu croyais à mille petites choses, mais pas au monde. Ces mille petites choses étaient