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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/179

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dépouillés de tout, de tout ce qui est la vie.

Tous te disaient qu’il ne fait pas bon vivre. Quel est l’homme qui l’a un peu plus qu’il ne l’a dit – ou écrit – qu’il ne faisait pas bon vivre ?

Il y a des hommes qui se sont tués. Tu y avais pensé, tu n’y pensais plus, tu n’en parlais plus parce que leur mort était en toi.

Je suis une pleureuse, je prends le ton larmoyant des funérailles. Après tout, merde, il y a la contrepartie. Tu n’avais de goût pour rien, tu n’avais de talent pour rien. Je te l’ai dit, tout à l’heure. À quoi tient un pessimisme ? Si tu avais un talent, tu serais encore avec nous. Ceux qui restent, ceux qui ne se tuent pas c’est eux qui ont du talent, qui croient à leur talent.

Le talent : il ne faut pas en dire du mal. Je ne veux qu’on dise du mal ni du talent des jardiniers ni du talent des journalistes. Le talent, plaignez-vous-en à la Nature qui tous les jours montre son talent, son immense talent, et qui ne montre que cela.

Tu n’aimais pas ce qui est vivant. Je ne t’ai jamais vu aimer un arbre ou une femme. Ce dont tu rêvais chez les femmes, c’était de les empêcher de respirer.

L’amitié. Duperie qui à elle seule vaut toutes les autres. Tu n’as pas eu l’occasion de montrer toute l’amitié dont tu étais capable. C’est une occasion qu’on n’a jamais dans nos pays et dans