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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/33

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depuis peu. Il s’apercevait qu’il y a une limite au tapage, qu’il est impossible d’imposer comme la règle, au cercle restreint des amis taillables, ce qu’ils considèrent comme l’exception. Il était las de cette perpétuelle, spasmodique et faible pressuration, dont il connaissait la mesure définitive : jamais plus de deux ou trois mille francs. Il savait que le ressort principal de son crédit, sa jeunesse, était à bout.

Enfin, Lydia lui redonnerait-elle dix mille, vingt mille, trente mille francs ?

Pour qu’elle les donnât, il fallait qu’il partît pour New York. Pour partir, il fallait qu’il ne recommençât pas à se droguer.

Or, le soir même, il allait se droguer de nouveau, puisqu’il avait dix mille francs.

L’argent, résumant pour lui l’univers, était à son tour résumé par la drogue. L’argent, en dehors du vêtement, toujours soigné mais sans excès, de la chambre d’hôtel, c’était la nuit.

Voilà ce que signifiait le chèque de Lydia, posé sur la table. C’était la nuit, c’était la drogue. Ce n’était plus du tout Lydia, que la nuit, que la drogue effaçaient. L’ivresse dans la nuit. Et la nuit et l’ivresse, à la longue, ce n’était que sommeil. Il n’était que cela : nuit et sommeil. Pourquoi vouloir lutter contre sa destinée ? Pourquoi depuis plusieurs mois se tourmentait-il, se faisait-il souffrir ? Il avait eu peur‫ ; ‬à un certain moment, il avait perçu cet enchaînement de causes et d’effets qui, revenant au point de