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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/53

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promis éperdument à sa pente, mais aussi il avait vu où le mènerait cette rechute qui serait finale. Il alla prendre son revolver dans sa malle, et le plaça à côté de la seringue. L’un ne pouvait plus aller sans l’autre.

Or, ce n’était pas ce qu’au cours de sa première jeunesse il avait voulu.

En ce temps-la, il parlait de son suicide. Mais le meurtre ainsi caressé, c’était un acte volontaire, libre ; ‬maintenant, une force étrangère et idiote avait repris à son compte ce vœu farouche et pur de tout prétexte, qui avait peut-être été une explosion de vitalité, et cette force le poussait des deux épaules par le couloir monotone de la maladie vers une mort tardive. Aussi, sentant cet humiliant changement de règne, il s’était attardé dans son suprême asile. Il était demeuré, immobile, fragile, craignant de faire le moindre geste, sachant qu’à ce geste correspondrait son arrêt de mort.

Et voila que ce geste lui échappait : il allait sortir, déjà il nouait sa cravate. Il abaissa ses mains pour mieux se regarder dans la glace où il se pencha comme dans l’orbe d’un puits. Les affichages le gênaient, il les arracha. Eau calme. Il aurait voulu fixer dans cette immobilité apparente son image pour que s’y rattachât son être menacé d’une prompte dissolution.

Cette dissolution était déjà fort avancée. Alain avait eu, à dix-huit ans, une figure régulière où il y avait de la beauté. Cette beauté lui