Aller au contenu

Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tence. Il avait refusé de passer son bachot, il avait détourné tranquillement la tête devant tous les métiers, il leur demandait de l’argent sans excès, mais toujours un peu plus qu’ils ne pouvaient lui en donner et avec fermeté, jusqu’au moment où ils avaient dû couper court. Alors, il s’était enfoncé sans retour dans un monde suspect où tout leur semblait étranger, inhumain, méchant. Et quand il revenait parfois vers eux ils n’avaient pas de paroles, ni de sentiments pour cette ombre abominablement distraite du monde des vivants, pour cet étranger qui les regardait avec l’attendrissement lointain et dérisoire d’un mort.

Il lui fallait donc crever seul, au sommet des paroxysmes froids de la drogue.

Il alla à son tiroir et en tira les photos de Dorothy et de Lydia pour conjurer par des images cette solitude comme un dévot touche une icône. Mais il regarda peu celle de Lydia.

Il avait rencontré trop tard Dorothy. C’était la femme jolie, bonne et riche dont toutes ses faiblesses avaient besoin ; mais déjà ces faiblesses étaient consommées. Il avait trop attendu

Il n’avait pas su de bonne heure se jeter sur les femmes et se les attacher alors qu’il leur plaisait et qu’il en rencontrait de toutes sortes, il avait gardé l’habitude de son adolescence de les attendre et de les regarder de loin. Jusqu’à vingt-cinq ans, pendant tout le temps qu’il avait