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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/70

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— Vous avez pourtant l’air bien de chez vous.

— C’est un air que j’ai comme ç‬a.

Le livreur n’insista pas‫ ; ‬mais il n’était pas fâché, car il voyait bien qu’Alain jouait avec lui-même plutôt qu’avec un interlocuteur de hasard.

À la porte de Paris, Alain descendit, après leur avoir donné vingt francs. Il avait encore emprunté cent francs au concierge de la Barbinais en faisant passer le chèque sous son nez.

Ils le quittèrent contents et troublés.

Alain sauta dans un taxi et courut à la Bankers Trust où il palpa dix beaux billets neufs. Par habitude, il passa par le bar du Ritz où il but un Martini, parmi les fils de famille américains et des truqueurs de haut vol. Puis il se fit conduire chez Dubourg.

Dubourg habitait un petit appartement rue Guénégaud, en haut d’une antique maison. En dépit de l’électricité et de la vapeur qui pénétraient cette vieille carcasse, on la sentait rongée jusqu’à la moelle. Alain n’aimait pas ce vaste escalier où errait une odeur fade et où la lumière grelottait dans les ténèbres.

La vieille Négresse vint lui ouvrir la porte avec son croassement de bois. Il fut tout de suite au cœur de ce petit logis clair, bourré de livres, devant Dubourg. Celui-ci, selon son habitude, était allongé sur le divan bariolé, au milieu d’un amoncellement de papiers, la pipe entre les