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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/122

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LE DÉPÔT.

comptait cependant revenir, mais auparavant il avait eu quelques préparatifs à surveiller pour assurer la destruction complète de la Préfecture de police. Vers neuf heures et demie il se présenta de nouveau à la prison ; il savait que les minutes étaient précieuses et qu’il fallait se hâter. Cette fois il n’était plus seul, et, outre les Vengeurs de Flourens qui l’escortaient, il était accompagné de quatre personnes, parmi lesquelles on reconnut deux juges d’instruction de la Commune. Suivi de sa bande comme un pacha de ses chaous, rejoint par le directeur Fouet, il entra dans le cabinet réservé, en temps normal, aux magistrats ; là il se fit remettre le registre d’écrou par le sous-brigadier Braquond, qui resta debout derrière lui. On avait apporté une feuille de papier, afin d’y dresser la liste des détenus que l’on réservait pour la mort. Ferré feuilletait le registre avec la lenteur ignorante d’un homme qui n’en connaît ni les divisions ni les points de repère ; il se perdait dans toutes ces écritures ; Eugène Fouet, aussi inhabile que lui en inscriptions pénitentiaires, l’embrouillait encore involontairement au lieu de l’aider ; le greffier de service n’avait garde de paraître, et le sous-brigadier demeurait impassible.

Ferré ne voulait pas agir isolément, comme pour Georges Veysset ; il espérait en finir avec tous les « suspects » et offrir aux fusils de ses hommes une fournée complète. Le premier nom qu’il écrivit fut celui de Joseph Ruault, prétendu agent bonapartiste, arrêté depuis le 15 mai par son ordre et écroué au secret sous le n° 3546, dans la cellule 62. Il écrivit ce nom de souvenir, sans l’avoir vérifié sur le registre. Braquond le lut, s’éloigna d’un air nonchalant, comme un homme fatigué d’attendre ; puis, quand il fut hors de vue, il pénétra dans la division cellulaire, ouvrit la porte du