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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/123

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LE SOUS-BRIGADIER BRAQUOND.

cabanon de Ruault, prit celui-ci par le bras, lui dit à voix basse : « Sous aucun prétexte, ne répondez à l’appel de votre nom ; » puis, en grande hâte, le conduisit à la salle commune des hommes et le poussa, le noya, au milieu de trois cents détenus.

Ceci fait, il revint dans le cabinet du juge d’instruction. « Vite, lui dit Ferré, appelez Ruault. » Braquond s’élança dans les couloirs en criant : Ruault ! à toute voix. — Ruault, qui avait été au secret, n’était connu d’aucun des prisonniers parmi lesquels on venait de le jeter ; il se tint coi et ne souffla mot. Braquond appelait de plus belle. Les surveillants qui, pendant toute cette journée, suivirent l’impulsion donnée par Braquond et désobéirent résolûment au brigadier officiel dont ils se méfiaient, imitant leur chef qu’ils avaient compris, arpentaient la prison : « Ruault Ruault ! » Nul ne répondait. « Eh bien ! et ce Ruault ? » dit Ferré à Braquond, qui revenait avec une mine piteuse. « On ne peut pas le trouver, vous entendez bien que tout le monde l’appelle. » Ferré entra en fureur, frappa sur la table, et dit : « Vous êtes tous des Versaillais, tous des mouchards ; si vous n’amenez pas Ruault à l’instant, je vous fais fusiller. »

Braquond fut admirable de sang-froid : « Ça ne vous avancera pas à grand’chose de me faire fusiller. Permettez-moi de vous dire, citoyen délégué, que vous ne savez pas votre métier ; nous vous obéissons parce que c’est notre devoir ; mais vous nous faites chercher un détenu qui n’est plus au Dépôt depuis longtemps, et c’est pour cela que nous ne pouvons pas le découvrir. » — « Comment ? reprit Ferré, Ruault n’est plus ici ? Où est-il donc ? » — « Je n’en sais rien, répondit Braquond, mais nous allons le savoir ; » et prenant le registre, il se mit à le manier avec la dextérité d’un homme accoutumé aux recherches d’écrou et, indiquant le n° 2609,