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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/220

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LA SANTÉ.

ordre dont Ferré n’avait certainement pas mesuré la portée. Cette fois encore Caullet, qui ne demandait qu’a être convaincu, se laissa convaincre et prescrivit à l’officier fédéré d’avoir à s’éloigner avec son chargement. L’officier n’était point satisfait, mais, tout en grommelant, il reprit la tête de son convoi et le conduisit à la manufacture des Gobelins, où Sérizier, chef de la xiiie légion, avait son quartier général.

Le même jour, à onze heures du matin, une estafette remit à Caullet une dépêche : timbre rouge, comité de sûreté générale. Caullet pâlit en lisant : « Paris, le 22 mai 1871. Le directeur de la prison de la Santé a l’ordre de faire fusiller les gendarmes, sergents de ville et agents secrets bonapartistes qui sont détenus en cette prison, si les insurgés versaillais ont l’audace de l’attaquer et de vouloir la prendre. — Le délégué, Th. Ferré. » Il donna reçu, puis sans mot dire tendit la dépêche à M. Laloë. « Que ferez-vous ? demanda celui-ci. » En signe d’indécision, sans répondre, Caullet leva les épaules. Alors les trois greffiers, MM. Laloë, Peretti, Tixier, l’entourèrent et lui dirent tout ce que des gens de bien peuvent imaginer pour éloigner la possibilité d’un pareil forfait. L’âme de Caullet flottait entre la volonté de sauver les otages et la crainte que lui inspirait celui qui avait signé l’ordre du massacre. Pour le décider, on insinua que les troupes françaises étaient dans Paris ; que c’était folie de croire que les fédérés pourraient leur résister ; que la justice serait implacable pour les prévaricateurs ; que lui il n’avait que des peccadilles à se reprocher ; qu’il ne devait à aucun prix se fermer la voie du salut et que, du reste, M. Claude, prévenu de son bon vouloir pour les otages, sachant qu’il lui devrait la vie, saurait le défendre et au besoin le protéger. Il n’en fallait pas tant ; Caullet jura : « Il ne tombera pas un cheveu de leur