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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/226

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LA SANTÉ.

s’associant point aux mauvais actes de la Commune. Le capitaine, déjà d’un certain âge, avait bonne réputation dans son quartier. À la question du brigadier Adam, il baissa la tête comme s’il eût cherché à préciser un souvenir ; puis, tout à coup, avec un geste dramatique et une voix de basse-taille, il dit, ou plutôt il modula : « Parmi ces citoyens, je compte des soldats et pas un assassin ! » Il avait été jadis choriste à l’Opéra ; une réminiscence du quatrième acte des Huguenots lui avait dicté sa réponse.

Adam courut au greffe. Caullet et les greffiers vinrent en hâte dans le poste ; on félicita le capitaine, on serra la main des fédérés sédentaires, il y eut là un mouvement d’enthousiasme pour le bien qui fut touchant. Les soldats renchérissaient sur leur chef et criaient : « Non, nous ne sommes pas des assassins ! » On fit rentrer les sentinelles extérieures ; on enleva les cartouches des fusils, que l’on disposa en faisceaux dans la cour ; de ce moment les gardes nationaux n’y touchèrent plus. Le personnel des surveillants eût pu s’en emparer et résister en cas d’alerte.

Le lendemain 23 mai, les extrémités de la rue de la Santé étaient fermées par deux barricades que défendaient des fédérés du 176e bataillon. Les soldats du poste ne se mêlèrent point à eux et restèrent à vaguer dans les cours et dans le chemin de ronde de la prison. La porte demeura close, nul n’essaya de la franchir. La maison formait une masse silencieuse au milieu de la bataille qui l’entourait de toutes parts. Vers le milieu du jour, les otages, libres dans les galeries, causaient entre eux, lorsqu’un obus, traversant le toit, éclata avec un bruit formidable. Les batteries de la Butte-aux-Cailles prenaient la Santé pour objectif et tiraient dessus à toute volée. On se gara comme on put, on se rassembla dans les parties de la prison les