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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/257

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MAZAS.

otages s’adressassent à lui ; il alla lui-même, au nom du barreau qu’il représentait, offrir d’accepter, de rechercher toute défense, même devant la juridiction que Rigault avait inventée.

Le 17 mai le conseil de la Commune avait décidé qu’un jury d’accusation serait réuni pour juger les otages. On avait dû croire, d’après cela, que l’on pourrait discuter des preuves et invoquer des témoignages ; on se trompait. Le procureur général Raoul Rigault expliqua lui-même à ses jurés qu'ils avaient simplement à reconnaître si les individus désignés avaient ou n’avaient pas la qualité d’otage. Un des malheureux traduits devant cet étrange tribunal qui ne fonctionna qu’une fois, le 19 mai, fut acquitté ; il n’en fut pas moins reconduit à la Roquette et massacré rue Haxo.

Le droit de défense serait illusoire, mais du moins la possibilité de protester restait au barreau, qui l’accepta sans hésiter, et le bâtonnier de l’ordre obtint les permissions nécessaires pour voir l’archevêque, M. Deguerry et le père Caubert. Il lui fallut « traverser les tribus armées qui campaient dans les couloirs de la sûreté, escalader des groupes d’enfants endormis, de femmes assoupies et d’hommes assouvis ; et, au milieu des tonneaux, des brocs et des bouteilles, pénétrer jusqu’à quelques personnages importants[1]. » Il vit Raoul Rigault, traînant son costume de commandant au milieu du parquet de la Cour de cassation ; il vit Eugène Protot, délégué à la justice, qui siégeait dans le cabinet des gardes des sceaux comme dans une salle de cabaret ; il put entrer à Mazas, voir les otages, causer avec eux et leur donner un espoir qu’il n’avait peut-être pas lui-même. L’archevêque fut calme et résigné ; M. De-

  1. Discours prononcé par Me Rousse, bâtonnier de l’ordre des avocats, à l’ouverture de la conférence, le 2 décembre 1871, p. 34.