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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/324

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LA GRANDE-ROQUETTE.

à certains otages, car dès la veille il avait fait dresser deux listes comprenant, l’une les prêtres, l’autre les gendarmes, les gardes de Paris et les sergents de ville. Gois désigna, en outre, verbalement quatre détenus dont il exigea l’extraction : Auguste Dereste, ancien officier de paix ; Joseph Largillière, ébéniste ; François Greff, ébéniste ; Joseph Ruault, tailleur de pierres ; ces trois derniers étaient accusés d’avoir été agents secrets sous l’Empire. Greff, nous l’avons dit, était un ami de François, qui depuis le matin le cachait dans son appartement. Le malheureux entendit prononcer son nom et vint naïvement se présenter lui-même à Émile Gois, malgré les signes désespérés que lui faisait François, qui eût voulu le sauver. Le brigadier Ramain fut chargé d’aller chercher les prêtres ; le sous-brigadier Picon reçut ordre de faire descendre les gendarmes et les sergents de ville. Les premiers étaient enfermés dans le bâtiment de l’ouest, à la quatrième section, d’où Mgr Darboy était parti pour la mort ; les seconds étaient détenus au bâtiment de l’est, dans la première section.

Les otages de la quatrième section étaient inquiets, mais préparés. Deux faits caractéristiques feront comprendre la qualité de l’âme de ceux qui s’attendaient à mourir. Parmi les détenus amenés de Mazas dans la soirée du 22 mai se trouvait un jeune homme de vingt-six ans, frêle, délicat, angélique, disaient ses compagnons de captivité, qui était élève du grand séminaire de Saint-Sulpice et s’appelait Paul Seigneret. C’était un être d’une candeur et d’une foi extraordinaires[1] ; il n’avait pas fallu moins que l’autorité de ses maîtres

  1. Le 18 mai, huit jours avant sa mort, il écrivait : « Plus notre captivité se prolonge, plus nous sommes émus des témoignages d’amitié sans nombre que nous y avons reçus, en sorte que nous sortirons de là le cœur plein du plus profond amour des hommes. »