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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/348

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LA GRANDE-ROQUETTE.

gnon, le sort des otages était singulièrement compromis. La présence d’un surveillant au milieu d’eux, la vigilance d’un autre, leur apportaient une force morale qu’ils n’auraient peut-être pas trouvée entre eux, et que leurs infortunés compagnons fusillés le 24, massacrés le 26, n’avaient point rencontrée. Bourguignon et Pinet représentaient en quelque sorte la prison, qui elle-même s’insurgeait pour défendre et sauver ses propres détenus. Quelque énergie qu’aient déployée les otages, quelque effort qu’ils aient fait pour assurer leur salut, auraient-ils échappé sains et saufs à leur captivité, si ces deux braves gens ne s’étaient pas sacrifiés avec eux et pour eux ?

Très rapidement la résistance fut organisée. Derrière la grille fermée à l’extrémité de chacun des couloirs formant chaque section, on entassa tous les matelas et toutes les paillasses que l’on put trouver dans les cellules et dans le lit de camp. Depuis le plancher jusqu’au plafond, depuis le mur de gauche jusqu’au mur de droite, l’ouverture fut absolument bouchée, sauf un jour ménagé dans la partie supérieure, afin de pouvoir surveiller les approches de la grille ; on pouvait bien glisser un canon de fusil entre les matelas, mais le projectile se serait perdu dans les matelas eux-mêmes. On décarrela la chambrée, on rassembla les carreaux en tas à portée des barricades, afin de pouvoir lapider les assaillants si par hasard ils parvenaient, malgré la grille, à démolir l’amas de literie ; on prit les planches qui servent à soutenir les paillasses, on les fendit à l’aide de couteaux, on les aiguisa de manière à en façonner des lances qui eussent été meurtrières ; on démonta les grosses pièces des lits en fer, afin de pouvoir s’en servir en guise d’assommoirs, on plaça des sentinelles auprès des grilles, on installa des vigies dans les cellules qui, prenant jour sur la cour principale, dé-