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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/350

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LA GRANDE-ROQUETTE.

sous-brigadier Picon d'aller s'en assurer et de faire venir les sergents de ville au greffe. Picon ne fut pas long à revenir ; il avait l’air penaud : les détenus se sont barricadés, les grilles sont closes, impossible d’entrer dans les sections. François, Ramain, Picon, suivis de quelques surveillants qui simulaient le zèle, s’élancèrent dans l’escalier. Au second et au troisième étage on se heurta contre une barrière de matelas. On courut au guichet central ; on y chercha vainement les clefs des grilles ; on demanda la clef de la porte de secours, on ne la trouva pas davantage : elle était bien cachée, et seul Bourguignon aurait pu la découvrir. On fit l’appel des surveillants : Pinet seul manquait. « Je le ferai fusiller, » dit François[1].

Ramain essaya de parlementer ; il se campa dans la cour principale et, levant le nez vers les fenêtres du bâtiment de l’est, il criait : « Voyons, descendez donc ; c’est des bêtises tout ça, on ne veut pas vous faire de mal. » Il en était pour ses frais de rhétorique ; nul ne lui répondit. Il reprenait : « Vive la France ! nous sommes tous frères ! Voyons, mes pauvres amis, descendez, c’est pour recevoir des vivres ! » Un soldat mit la tête à sa lucarne, appela le brigadier et lui fit un pied de nez. « Je les brûlerai vifs, » dit Ramain en s’éloignant. Les otages placés en face dans le bâtiment de l’ouest, à la quatrième section, avaient suivi cette scène des yeux et n’y avaient rien compris. Ramain rentra au greffe et dit : « Il n’y a pas moyen de les avoir ! » Il rencontra le regard de Ferré et ne fut point tranquille.

Le délégué à la sûreté générale était fort irrité ; il

  1. La version que nous avons adoptée, qui est appuyée sur des documents authentiques offrant toute garantie, a été vivement combattue par M. l’abbé Amodru, curé d’Aubervilliers et l’un des otages de la troisième section. Voir Pièces justificatives, no  10.