Aller au contenu

Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
333
LA DÉLIVRANCE.

un homme intelligent et obéi ; or Ramain n’était qu’un mauvais drôle assez obtus, dont l’autorité, toujours discutée, était actuellement de nulle valeur. Il était plus de quatre heures et demie ; Ferré allait revenir, car le dernier détachement de soldats avait quitté la Petite-Roquette ; Ramain était donc pressé d’en finir et très perplexe.

Tout à coup il entendit le bruit des chevaux entrant dans la cour ; c’étaient Ferré, François et une troupe de fédérés. « Et mes otages ? » dit le délégué à la sûreté générale. Ramain raconta humblement la vérité. Ferré fut plus calme qu’on n’eût osé le croire. Il comprit tout de suite le parti qu’il pouvait tirer de la situation : faire cause commune avec les criminels, jeter ceux-ci, appuyés par les fédérés, dans les escaliers, attaquer les grilles, les renverser, démolir les barricades et, coûte que coûte, se rendre maître des otages récalcitrants. Il donna ses ordres à Ramain ; celui-ci rassembla un peloton de fédérés, le précéda et, se présentant dans la cour principale, il apparut, suivi de la force armée, devant les détenus criminels, qui reculèrent vers le bâtiment du fond formé par la chapelle et gardèrent une attitude menaçante. Ramain leur dit : « Criez vive la Commune ! et vous aurez la liberté. » Les détenus crièrent : « Vive la Commune ! » Les fédérés répondirent : « Vivent les condamnés ! » car une politesse en vaut une autre. On se mêla, on fraternisa. Quelques otages ont dit qu’à ce moment les criminels avaient été armés de fusils par ordre de Ferré ; ils se sont trompés. Seul un condamné à mort, nommé Pasquier, prit, en se jouant, le fusil d’un sous-officier et cria : « Où est Pinet ? je vais tuer Pinet ? » Il fut immédiatement désarmé par le brigadier Ramain lui-même.

La place de la Roquette, la première cour, le greffe, étaient remplis de fédérés et de curieux ; les détenus