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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/356

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LA GRANDE-ROQUETTE.

réunis aux gardes nationaux allaient, sous la conduite de Ramain, tenter l’escalade des sections, lorsque ce mauvais monde disparut subitement comme une volée de corbeaux effarouchés. Jamais, sur aucun théâtre, pareil changement à vue ne fut plus rapide. À l’entrée même de la Grande-Roquette, sous la voûte où s’ouvrent le poste et le premier guichet, quelqu’un dont il a été impossible de constater l’identité, — un loustic, — un homme de génie, — un effaré, s’écria : « Voila les Versaillais ! » Ce fut une débandade ; Ferré, François, se lancèrent à cheval, les fédérés filèrent par les rues voisines, les détenus firent irruption sur la place après avoir pris des fusils dans le poste, et en moins de deux minutes la prison fut débarrassée des hôtes sinistres qui l’encombraient. La panique fut telle, qu’ils ne revinrent plus.

La prison était libre, et ce fait, qui devait paraître d’autant plus heureux qu’il était plus inattendu, allait causer de nouveaux malheurs. Les otages de la deuxième et de la troisième section avaient, des fenêtres du bâtiment de l’est, vu la révolte des condamnés, l’intervention des fédérés, le sauve-qui-peut général, mais n’avaient pu que se rendre très vaguement compte de ce qui se passait. Pour eux la situation n’était pas modifiée ; suivant en cela le conseil de Pinet, ils étaient persuadés que, pour eux, le péril était moins pressant derrière leur barricade que hors de la prison, dans les rues encore occupées par les hommes de l’insurrection. Ils s’étaient promis de n’ouvrir les grilles qu’en présence de l’armée française, qu’ils espéraient toujours voir arriver d’un instant à l’autre.

Pour les otages de la quatrième section, du bâtiment de l’ouest, il n’en était pas ainsi. Ils étaient au nombre de vingt-trois, dont seize ecclésiastiques. La journée leur avait été insupportable. Quelques minutes après la