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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/368

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LA GRANDE-ROQUETTE.

section de l’avenue Parmentier et de la rue de la Roquette. On alla chez lui ; il y était. On trouva ce terrassier tout pimpant, vêtu d’une cotte et d’une blouse blanches, rasé de frais, souriant et faisant bon accueil aux visiteurs. On le ramena à la prison ; son interrogatoire fut sommaire et son procès promptement expédié. On lui mit une camisole de force ; d’un coup de crosse dans les reins, on le poussa sur la route que les gens de bien tués par lui avaient parcourue, et, avec une précipitation déplorable, on fusilla cet homme qui savait tant de secrets ; on privait ainsi la justice et l’histoire d’un témoin qu’elles n’ont pas remplacé.

François fut plus difficile à découvrir ; on le croyait parti et hors frontière. Il n’avait point quitté Paris. Semblable à un souverain détrôné qui vient la nuit rôder autour de son palais, l’ancien directeur du dépôt des condamnés hantait, pendant l’obscurité, les environs de la Grande-Roquette. Eheu ! quantum mutatus ! plus de ceinture rouge, plus de képi galonné, moins d’eau-de-vie et l’oreille basse. Il fut reconnu par une femme dans une de ces promenades philosophiques où il pesait sans doute le néant des grandeurs humaines ; désigné à un sergent de ville, il fut suivi et arrêté au moment où il entrait dans un chantier de la rue des Boulets qui lui servait de refuge. Il fut deux fois condamné comme complice de l’assassinat des otages et du massacre de la rue Haxo. On peut apprécier son repentir par le passage suivant d’une lettre qu’il écrivit à l’un de ses codétenus : « Nous n’avons pas de juges, nous n’avons que des assassins ; le jour du châtiment vient à grands pas ; il sera égal à leurs crimes et à leurs forfaits. Je vous assure que si le bonheur veut que je sois présent, je me régalerai, car je serai sans merci. » Le bonheur ne voulut pas qu’il fût présent. Il était im-