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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/395

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PIÈCES JUSTIFICATIVES.

Washburne, ministre des États-Unis », mais seulement « le citoyen Washburne », et l’archevêque, au lieu d’être désigné comme « citoyen Darboy, archevêque de Paris », est seulement appelé « le prisonnier Darboy ».

J’avais jusqu’à cette heure visité l’archevêque six différentes fois, et c’est pour moi une grande satisfaction de penser que mes visites lui ont fait un bien réel. Je lui apportais toujours des journaux et lui communiquais les nouvelles du jour. Notre conversation eut beaucoup pour objectif les efforts que l’on faisait pour qu’on l’échangeât contre Blanqui, le grand communiste et révolutionnaire, alors prisonnier du gouvernement régulier. Vous serez frappé de son exposé clair et concis de cette question, qui se trouve parmi les documents que je vous envoie, et que je possède de sa propre écriture. Il m’a toujours fait des remercîments de ce que je le venais voir, et il eut la bonté de dire plus d’une fois qu’une des raisons pour lesquelles il aimerait à être rendu à la liberté, était qu’il désirait pouvoir dire au monde ce que j’avais été pour lui dans sa prison.

L’avant-dernière fois que je le vis, je fus très affligé de le trouver dans un état de santé plus faible encore que précédemment. La réclusion aggravait sa dyspepsie et abattait ses forces. Éprouvant à son égard une certaine inquiétude, je retournai le voir dans l’après-midi du dimanche 21 mai, porteur du permis spécial de Raoul Rigault, transcrit ci-dessus, grâce auquel je pénétrai facilement dans la prison ; mais, une fois entré, je trouvai que ce n’était plus la même chose qu’auparavant. La plupart des hommes de service étaient nouveaux et la plus grande confusion régnait. Presque tous étaient plus ou moins pris de boisson, et ma présence sembla les gêner tous. Au lieu de la politesse ordinaire avec laquelle j’avais été uniformément reçu, j’étais traité avec rudesse. On s’opposa à ce que j’entrasse dans la cellule de l’archevêque comme j’avais fait antérieurement ; on l’amena dans le couloir, où je ne pouvais l’entretenir qu’en présence des gardiens. Malheureusement j’avais à lui dire que je n’apportais pas de bonnes nouvelles, qu’il n’y avait pas d’amélioration dans la situation. Je lui dis que je l’avais trouvé si souffrant la dernière fois que je l’avais vu, que j’étais revenu pour savoir comment il allait et si je pouvais encore lui rendre quelque service. Il me renouvela ses remercîments et dit qu’il ne voyait rien qu’il pût avoir à me demander quant à présent. Après avoir encore causé avec lui quelques instants, je lui dis un adieu qui devait être, hélas ! le dernier, mais en l’informant que j’avais reçu un permis permanent et en promettant de revenir sous peu.

Jusque-là, bien que souffrant dans sa santé et accablé d’anxiétés, non seulement pour ce qui concernait sa situation personnelle, mais pour ce qui intéressait l’état de sa patrie, chaque fois que je l’avais vu, j’avais trouvé en lui non seulement de la bonne humeur, mais parfois même de la gaieté. Jamais je n’oublierai la bonhomie avec