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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/418

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avait depuis quelques jours, une activité fébrile que rien ne pouvait calmer il ne dormait plus et ne rêvait que sang et meurtre.

— On parlera de moi, s’écriait-il sans cesse dans son ivresse implacable. Il faut que Paris disparaisse. Lâche ville qui ne veut pas qu’on la délivre de ses oppresseurs.

Et il multipliait ses ordres infâmes, et il veillait à ce que les complices des incendies fussent approvisionnés de bombes et de pétrole.

Parfois le nom de Chaudey passait sur ses lèvres blafardes, et il semblait que le remords pénétrait l’âme de ce monstre. En effet, on ne l’ignore pas, c’est pour échapper au témoignage d’un ancien ami qu’il avait ordonné à Raoul Rigault de faire fusiller l’infortune rédacteur du Siècle.

Delescluze, ne l’oublions pas, avait commis dans sa jeunesse un vol chez M. Denormandie[1] avoue, chez lequel il était clerc. Proudhon, qui connaissait son Delescluze, et le savait capable de toutes les infamies, voulait se garder contre ses manœuvres. Il possédait la preuve du vol il l’avait confiée à Chaudey[2].

Lorsque le général Vinoy s’empara du quartier dans lequel est compris le onzième arrondissement, on trouva le corps de Delescluze sur le boulevard du Prince-Eugène.

Voici ce qui s’était passé.

Tant que la résistance de l’insurrection fut une véritable bataille, Delescluze commandait comme un général, il consultait le plan de Paris et donnait des ordres ; mais quand il se vit resserré dans le petit cercle qu’il occupait, il perdit la tête, il redoubla de rage incendiaire ; mais en même temps il ne pensait plus qu’à avoir la vie sauve.

Il n’espérait pas en la clémence des généraux ou du gouvernement régulier. Il voulait fuir. Les plus dévoués de ses amis, les plus fanatiques de son état-major, en eurent le soupçon et le surveillèrent. Il s’en aperçut et voulut marcher le front haut ; mais la peur, l’horrible peur se lisait dans ses yeux jaunes.

Au plus fort de la bataille, alors que l’épouvantable tracas de l’artillerie était le plus intense, Delescluze quitta son cabinet de la mairie par une petite porte et sortit.

Parvenu à la barricade du boulevard du Prince-Eugène, il fut reconnu.

On accusa Delescluze de fuir, il voulut protester de ses intentions, et il affirma que son devoir l’appelait sur un autre point.

Déjà une foule nombreuse s’était rassemblée : on s’informe, on

  1. Ce n’est pas chez Mr Denormandie que Delescluze fut clerc d’avoué ; c’est chez Mr Berthier, rue Gaillon, n° 11. M. D.
  2. C’est à Spa, en septembre 1860, que Chaudey, qui était venu voir son compatriote Proudhon, eut, par lui, connaissance des faits imputés à Delescluze. M. D.