Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/429

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
403

de l’inspection générale ; tous les surveillants, plusieurs détenus, plusieurs otages furent interrogés ; les témoignages furent reçus et examinés contradictoirement ; des rapports furent demandés aux otages qui appartenaient à l’administration, et aux greffiers demeurés à leur poste ; tous ces documents forment des pièces historiques de la plus haute valeur, au point de vue des faits généraux et au point de vue des faits individuels, car la conduite de chacun des employés ― greffiers, brigadiers, sous-brigadiers, surveillants ― y est minutieusement examinée. Toutes les notes relatives à Pinet sont concordantes et peuvent se résumer par cette phrase que je cite textuellement : « Il leur demanda (aux otages) s’ils étaient bien décidés à vendre chèrement leur vie ; oui, lui fut-il répondu unanimement ; en ce cas, à l’œuvre ! je suis des vôtres ; si vous succombez, je succomberai avec vous. Sur ces mots, Pinet commença à improviser dans la troisième section les moyens les plus efficaces pour résister aux insurgés. Une barricade fut construite à l’entrée de la galerie, etc., etc. » Tous les rapports, toutes les lettres, toutes les dépositions constatent le même fait. Il y a plus : dans la matinée du 27, Pinet avait prévenu un otage de la deuxième section de son dessein bien arrêté de s’opposer aux tentatives des fédérés. ― Parmi les détenus de cette section se trouvait M. Antoine Rougé, sous-brigadier de sergents de ville. Sorti le 28 mai dans la matinée, il se rendit immédiatement au ministère des affaires étrangères, où les services de la police municipale étaient établis, et, sur l’ordre de l’un de ses chefs, M. l’inspecteur divisionnaire Vassal, il rédigea le récit de ce qui lui était arrivé depuis son arrestation (19 mars). On n’a pas résumé la déposition de M. Rougé ; le rapport est entièrement écrit de sa main et signé de lui ; voici ce que j’y lis : « Le surveillant Pinet (François) s’efforça tous les jours de rendre notre captivité moins dure. Il nous l’a prouvé jusqu’à l’heure de notre délivrance, attendu que le samedi 27, à midi, il est venu, en compagnie du surveillant Bourguignon, me prévenir qu’il venait de découvrir cinquante bombes Orsini dans un coin du poste des fédérés qui nous gardaient ; il en avait saisi une qu’il m’a fait voir ; elle était hérissée de capsules. C’est là qu’il m’a dit, dans ma cellule, qu’il était prêt à sacrifier sa vie pour nous, si nous voulions nous défendre contre ces ignobles bandits. Nous avons fait part de cette proposition à nos infortunés voisins, et chacun se mit à la construction des barricades. Bourguignon a disparu pour nous être utile en bas ; il n’a pas cessé de nous servir. » Lorsque M. Antoine Rougé écrivait ce rapport, sous l’impression toute vive encore des évènements auxquels il venait d’échapper, il ne se doutait pas qu’il donnait à l’histoire un document d’irrécusable sincérité. Ses souvenirs se sont modifiés depuis le 28 mai 1871, je le sais ; M. l’abbé Amodru nous en fournit la preuve en publiant (p. 391) un témoignage dans lequel M. Rougé dit : « Aucun employé des prisons ne s’est sacrifié