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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/428

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PIÈCES JUSTIFICATIVES.

quent, sont disposés à se défendre ; ils travaillent déjà à la barricade ; à défaut d’armes, nous avons du cœur ; ne vous laissez pas fusiller par ce tas de bandits. »

« J’étais convaincu que la résistance, dont je jugeais le succès humainement impossible, était néanmoins le parti le plus digne. Depuis le 18 mars, je ne cessais de protester contre le silence et l’abdication des honnêtes gens en face des malfaiteurs ; pour me montrer jusqu’au bout fidèle à mon programme, je sortis de mon inaction apparente. M. Walbert, ancien officier de paix, et M. l’abbé Carré, vicaire de Belleville, émettent l’idée qu’il faut percer le plancher pour nous mettre en communication avec les sergents de ville enfermés au second étage, et aussitôt ils s’arment de planches et de tringles de fer que nous arrachons de nos lits pour défoncer le sol. Je me joins à eux. Moi qui, le matin, n’avais plus la force de me tenir debout et qui n’avais pas reçu une bouchée de pain, je brisais les planches et tordais les tringles avec une irrésistible facilité. En cinq minutes, une large ouverture est pratiquée entre le troisième et le deuxième étage. Les sergents de ville sont prêts à vendre chèrement leur vie. Le sous-officier Teyssier se hisse à travers cette ouverture pour prendre avec Pinet le commandement de l’insurrection[1]. »

Le récit de M. l’abbé Lamazou porte en lui-même un accent de sincérité dont il est difficile de n’être pas saisi ; mais je n’en ai tenu compte, car il était en contradiction formelle avec celui de M. Amodru. Je me suis donc adressé à d’autres autorités, à celles dont mes longues études sur Paris m’ont enseigné à apprécier la rectitude et l’impartialité. Je ne m’en suis pas rapporté aux éléments que j’avais personnellement recueillis à la Grande-Roquette le 29 mai et le 11 juin 1871, et qui tous sont conformes à la version que j’ai donnée ; j’ai eu recours à la grande administration qui dirige le service des prisons de la Seine, et je lui ai demandé de vouloir bien m’aider à saisir la vérité. Avec une complaisance dont je reste très touché, tous les documents ont été mis à ma disposition et ont dissipé mes doutes.

Le service des prisons de la Seine, réinstallé à Paris dès le 27 mai, s’occupa, sans désemparer, de faire des recherches approfondies sur la conduite de son personnel pénitentiaire pendant la Commune. L’intérêt était des plus graves : il s’agissait de livrer les employés coupables à la justice militaire et de récompenser ceux qui étaient restés fidèles à leur devoir. Il y eût enquête, contre-enquête, contrôle

  1. La place Vendôme et la Roquette, par M. l’abbé Lamazou, 4e édition. Paris, Douniol, 1871 ; p. 212 à 217. ― D’après le témoignage du surveillant Bourguignon, c’est au sous-officier Teyssier que le mot de ralliement Marseille a été confié. M. D.