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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/84

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LE DÉPÔT.

onze heures du soir, le 101e bataillon, l’un des plus ardents pour la Commune, s’empara de la place Dauphine, sous les ordres d’un certain Jollivet, qui fit une perquisition dans la Préfecture de police afin d’y découvrir un prétendu dépôt de 40 000 fusils, dont pas un n’existait.

Pendant que Jollivet et ses hommes saccageaient les bureaux de la première division, Lullier, qui dès lors prenait le titre de général en chef, arriva à la tête d’une troupe de fédérés. Les deux bandes fraternisèrent un peu ; on échangea quelques verres d’eau-de-vie, des poignées de main, des vivats, et Lullier, obliquant par la rue de Harlay, passant sur le quai de l’Horloge, entra dans la cour du Dépôt. La foule armée qui le suivait s’y précipita. À peine éclairées par un réverbère, les murailles montraient les solides barreaux protégeant les fenêtres ; la porte en fer était fermée. On l’attaqua à coups de crosse, à coups de pierre, à coups de pied ; chaque heurt retentissait comme une détonation d’artillerie dans l’intérieur du Dépôt. M. Coré fit ouvrir la porte et parlementa avec Lullier ; les fédérés, dont la raison, surexcitée par la victoire et par le vin, n’était pas indemne, vociféraient et demandaient que tous les gardiens fussent passés par les armes.

Un sous-brigadier de surveillants, nommé Pierre Braquond, homme de sang-froid et de rare énergie, dit à Lullier : « Est-ce que vous allez nous laisser égorger par tous ces gens-là ? Vous êtes leur chef, dites-leur de respecter de vieux soldats ! » Lullier, qui n’était rien moins que cruel, se tourna vers ses hommes et leur fit cette allocution : « Citoyens, vous allez me jurer de ne faire aucun mal à ces employés : je les connais ; ce sont de charmants garçons : levez la main et jurez de ne point souiller la victoire du peuple ! » Les fédérés jurèrent et se mirent à crier : « Nos camarades ! nos