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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/88

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LE DÉPÔT.

nourriture moins défectueuse que l'ordinaire de la prison.

Si les otages n’ont point tous été massacrés aux dernières heures de la Commune, ils le doivent aux greffiers, brigadiers, sous-brigadiers, surveillants, appartenant à l’administration normale, qui n’ont point abandonné leur poste, ont tenu tête aux fédérés et, au moment suprême, se sont associés à la résistance des prisonniers. Ceci ressort de tous les documents qui ont passé sous nos yeux et nous ont permis d’entreprendre cette étude de pathologie sociale ; mais si les surveillants, soupçonnés, injuriés, menacés par les gens de la Commune, n’ont point déserté les maisons pénitentiaires dont ils avaient la garde, c’est à M. Bonjean qu’on le doit.

Il avait précédé les otages ecclésiastiques, car le premier de ceux-ci fut M. Blondeau, curé de Plaisance, arrêté le 31 mars. Seul dans sa cellule, assis sur l’escabeau de bois ou étendu sur le grabat, M. Bonjean avait réfléchi ; il ne se faisait aucune illusion sur les hommes d’aventure qui s’étaient emparés de Paris ; il s’attendait à un nouveau 2 septembre ; il croyait à un massacre dans les prisons et était persuadé que la Commune incarcèrerait tout ce qu’elle parviendrait à découvrir de gens considérables par leur position, leur fortune ou leur nom. Il résolut donc, pour assurer quelque protection aux détenus qui ne manqueraient pas d’être jetés derrière la porte des geôles, d’user de son influence pour engager le personnel des surveillants à rester au devoir. La situation de ces braves gens était critique et très embarrassante ; ils n’ignoraient pas qu’ordre avait été donné à tout employé du gouvernement de se replier sur Versailles : rester, c’était en quelque sorte s’associer à des faits de révolte ; s’en aller, c’était livrer les détenus aux fantaisies de la Com-