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Page:Du Saussay - Perverse, 1896.djvu/22

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PERVERSE

les baisers du songe lui avaient données : ses bras retombèrent, désespérément ; son baiser avait chanté sans joie.

Anéantie par l’enivrement imprévu, terrassée par cet amour sans amant, tout le jour elle demeura sur sa chaise longue, dans un demi-obscur, rivée à la réflexion torturante qui voulait trouver le secret de l’épreuve accablante qu’elle avait, avec tant de plaisir, subie.

Tout, pour elle, commençait et finissait au baiser qu’elle avait reçu. Le baiser était donc une source de jouissance ?

Le soir venu, toujours à la recherche obsédante et suggestive de l’inexplicable érotisme qui secouait ses nerfs et tendait ses fibres intimes, tiraillée dans ses sensations, elle écouta son père, qui, dans un salon, après un dîner copieux, chantait.

Elle l’entendit ordonner à un valet :

— John, à dix heures, vous allumerez au salon et veillerez à ce que le souper que je vais commander soit servi.

Paula revêtit un manteau sombre, et,