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Page:Du Saussay - Perverse, 1896.djvu/26

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PERVERSE

scellées sous la force des désirs et la cruelle souffrance de la satisfaction conquise.

Sans souffrir, jusqu’à ce que les êtres de joies fussent réduits à l’état de cadavres dans le sommeil, elle resta droite, dans l’embrasure, comme une statue contemplative. Elle aurait souhaité que les amants, son père et l’autre, souventes fois, eussent recommencé leur effort, et elle maudit leur lâche impuissance, et elle maudit leur dormir.

Alors, elle glissa, pareille à une ombre : elle ouvrit la porte, après en avoir soulevé les tentures, et, seule, le long des noirs couloirs, elle regagna sa chambre de vierge déflorée, elle jeta dans son grand lit sa virginité affolée, sa virginité morte et inviolée, et, comme les amants, endolorie, secouée par le rêve qui pétrissait sa candeur ravagée, elle s’endormit pour la conquête, conquise déjà deux fois en un jour, de l’amant inconnu qui viendrait, conduit par les anges des tentures, se glisser auprès d’elle, et s’abreuver à l’aride mensonge de sa jeu-