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NOTICE

Dilige regnantem celsa Parisins arce.

Il est vrai qu’à l’exemple de son père, dont la francisque desservit trop souvent la justice brutale, Childebert s’efforça de racheter ses torts par des œuvres de charité, par des fondations pieuses, et surtout en construisant, près de son palais, l’église de Sainte-Croix et de Saint-Vincent,

    malignité s’en empara pour y chercher d’autres suppositions contre lesquelles Fortunat protestait par avance dans ce vers adressé à l’abbesse, sœur de Radegunde :

    « Cœlesti affectu, non crimine corporis ullo. »

    Les bienfaits et les fondations pieuses qui signalèrent la durée de ce commerce d’esprit et de vertus témoigneraient seuls que cette harmonie de deux ames faites pour s’entendre était fondée sur l’intérêt du malheur et de la religion ; ajoutons que Radegunde fut canonisée, et qu’on célèbre, dans le diocèse de Poitiers, le 14 novembre, la fête de saint Fortunat.

    On peut voir dans la collection de l’hôtel de Cluny une croix grecque, émail byzantin des premiers temps, avec cabochons en cristal de roche, qui provient de cette ancienne abbaye de Sainte-Croix de Poitiers. Elle doit appartenir au temps même où l’envoi d’un morceau de la vraie croix à Radegunde, par l’empereur Justin, détermina la fondation de ce monastère. Ce fut à l’occasion de cet envoi que Fortunat composa le Vexilla regis.

    Fortunat, qualifié de scholasticissimus, était lié d’amitié avec Grégoire de Tours ; sa vocation poétique s’appliquait à tous les sujets, mais particulièrement au genre élégiaque, qui domine dans les onze livres qui nous sont restés de ses œuvres.

    On remarquera ici les mots celsa arce (palais élevé) qu’il applique à la résidence de Childebert. Indépendamment de ses vers sur ce palais et sur les jardins de la reine Ukrogothe, il nous a laissé une pompeuse description de la basilique à trente colonnes que Childebert fit élever en l’honneur de la Vierge, près de l’église Saint-Étienne, sur l’emplacement qu’occupe Notre-Dame. (V. anciens historiens de France, Duchesne.)

    Ces descriptions positives sont d’autant plus précieuses pour l’histoire de l’art, qu’il reste même peu de vestiges des monuments du 6e siècle, époque où presque toutes les constructions faites dans la Gaule celtique étaient en charpente. Celles qui formaient exception empruntaient leur éclat