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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/106

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s’ils ont favorisé les prédicateurs de l’Évangile, ils n’ont pas été moins portés à accorder leur protection aux sectes idolâtres.

On ne sait combien de temps la religion chrétienne s’est maintenue dans cet empire : il faut que la mémoire en ait été éteinte depuis bien des années, puisqu’il n’en restait pas le moindre vestige, quand les nouveaux missionnaires de notre compagnie y sont entrés de la manière que je vais le rapporter.

Ce fut en l’année 1552 que l’apôtre des Indes, S. François de Xavier, partit de Goa pour s’y rendre : la conquête d’un si vaste empire ajouté au royaume de Jésus-Christ était depuis longtemps l’objet de ses plus ardents désirs : il comptait pour rien d’avoir réduit tant de nations et de royaumes de l’orient sous l’obéissance de l’Évangile, si la Chine échappait à son zèle. Il était déjà arrivé dans l’île de Sancian, dépendante de la province de Quang tong.

Quoiqu’on lui représentât que des lois rigoureuses défendaient l’entrée de la Chine aux étrangers ; qu’il n’était pas possible de surprendre la vigilance des mandarins ; et que le moins qui pût lui arriver, serait d’être enfermé pour le reste de ses jours dans un noir cachot, et qu’il y allait de la vie pour ceux qui oseraient l’y introduire ; on ne pût le faire changer de résolution. Il gagna un marchand chinois, qui lui promit, moyennant une certaine somme, de le conduire dans sa barque pendant la nuit, et de le jeter avant le jour sur le rivage. Xavier était content, pourvu qu’il pût se présenter aux portes de Canton. Mais Dieu ne veut pas toujours que ses serviteurs exécutent les grands desseins qu’il leur inspire. Il mourut comme un autre Moïse à la vue de cette terre de bénédiction, après laquelle il soupirait depuis tant d’années, et alla recevoir la récompense de son zèle et de ses travaux apostoliques.

Son corps fut enterré dans l’île. On l’avait enfermé dans une caisse remplie de chaux vive, afin que les chairs étant plutôt consumées, on pût emporter ses os aux Indes, par le vaisseau qui devait dans peu de temps mettre à la voile. On sait que, quelques mois après, quand on voulut ramasser ses os, on trouva son corps frais, plein de suc, et très entier, sans le moindre signe de corruption. On le transporta à Goa, où son tombeau est devenu célèbre par quantité de miracles, et où il est honoré comme le protecteur de la ville, et l’apôtre de l’Orient.

Le zèle qui anima Xavier, passa dans l’esprit et le cœur de ses frères. Pendant près de trente ans ils essayèrent plusieurs fois de pénétrer dans les terres de la Chine ; mais leurs tentatives furent toujours inutiles.

Le père Alexandre Valignan était alors supérieur général des missions dans les Indes, et résidait à Macao ; c’est une ville située dans une île, ou plutôt une presqu’île jointe au continent de la Chine, et qui est de sa dépendance, bien qu’elle soit habitée par une colonie de Portugais.