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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/107

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Quoiqu’il eût été le chef et le promoteur de quelques-unes de ces entreprises, qui avaient eu si peu de succès, il ne se rebuta point des difficultés presque insurmontables, qu’il trouvait dans l’exécution de son projet : on le voyait souvent se tourner vers les rivages de la Chine, et dévorer des yeux cette terre infortunée, en témoignant par ses gestes et par ses soupirs, le zèle dont il brûlait pour la conversion d’un si grand peuple : d’autrefois on l’entendit s’écrier : Rocher ! Rocher ! quand t’ouvriras-tu ?

Plein de cette confiance en Dieu, qui s’anime à la vue des obstacles, il espéra toujours que le Seigneur jetterait sur la Chine un regard de miséricorde, et que ses portes s’ouvriraient enfin aux ministres de l’Évangile. Il y avait déjà du temps qu’il avait choisi parmi les missionnaires des Indes des sujets, tels que le demandait une si difficile entreprise : gens morts à eux-mêmes, intimement unis à Dieu, qui ne respiraient que les souffrances et le martyre, et qui d’ailleurs étaient fort habiles, surtout dans les sciences qu’on estime à la Chine.

Son choix tomba principalement sur le père Roger, néapolitain, sur le père Pasio, de Boulogne, et sur le père Ricci, de Macerate en la marche d’Ancone. Dans cette vue, ces Pères s’appliquaient depuis quelques années à l’étude de la langue chinoise, et ils avaient fait d’assez grands progrès dans un travail si difficile et si épineux, lorsqu’un évènement, ménagé sans doute par la Providence, facilita l’entrée de cet empire, quoiqu’il parût d’abord le rendre tout à fait inaccessible.

Le tsong tou de la province de Quang tong, qui réside d’ordinaire à Chao king fou, ville peu éloignée de la capitale, fit une affaire aux Portugais, sur ce qu’ils administraient la justice, et érigeaient un tribunal à Macao. Il prétendait que l’empereur leur ayant accordé cette place, ne leur avait donné aucune juridiction, et il les sommait de venir au plutôt rendre compte de leur conduite.

Ce langage fit comprendre aux Portugais, que l’avarice naturelle aux vice-rois des provinces chinoises, portait celui-ci à leur faire cette mauvaise querelle, mais que sa colère s’apaiserait bientôt, si leurs soumissions étaient accompagnées d’un riche présent : on le confia au P. Roger, qui se rendit à Chao king. Le Père fut reçu du vice-roi avec tant de politesse et de démonstrations d’amitié, qu’il crut pouvoir lui présenter une requête, pour lui demander la permission d’établir sa demeure dans la province de Quang tong. Elle lui fut accordée sans nulle peine.

Le père Roger et le père Pasio avaient déjà commencé une espèce d’établissement, et ils s’en promettaient de grands fruits, lorsqu’un contretemps ruina tout à coup leurs espérances. Le vice-roi fut disgracié, et intimidé par cette disgrâce, il craignit que son successeur ne lui fît une nouvelle affaire, s’il trouvait des étrangers dans le lieu de sa résidence. Sur quoi il les obligea de s’en retourner à Macao.

Ce triste évènement déconcerta les projets des hommes apostoliques ; le père Pasio prit le parti d’aller cultiver les églises du Japon. Le père Roger et le père Ricci furent chargés seuls de prendre de nouvelles mesures pour rentrer dans la Chine.