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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/108

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s’y attendaient le moins, un Chinois arriva de Chao king à Macao, et demanda à parler au P. Roger. C’était un garde du nouveau vice-roi, qui ayant appris qu’une bonne récompense était promise à celui qui procurerait le rétablissement de ces pères, s’y était employé auprès de son maître, et l’avait obtenu.

Les pères, après avoir admiré les secrets ressorts de la divine Providence, se disposèrent à suivre le Chinois leur bienfaiteur. En quelques jours ils arrivèrent à Chao king ; et aussitôt ils reçurent une patente du vice-roi, qui leur permit de s’établir où ils jugeraient à propos.

Ces deux missionnaires qui avaient eu le temps de s’instruire des coutumes, de la religion, et des lois de cette nation, n’ignoraient pas ce qu’ils auraient à souffrir, soit d’un peuple superstitieux, plein de mépris et d’aversion pour les étrangers, soit de la jalousie des bonzes, soit de la hauteur et de la défiance des mandarins, dont l’inquiétude et les ombrages augmentaient sans cesse, par les nouvelles conquêtes que les Espagnols et les Portugais venaient de faire dans des lieux voisins de la Chine. Ainsi ils crurent devoir agir d’abord avec beaucoup de circonspection, et pour gagner plus sûrement ces peuples à Jésus-Christ ils s’efforcèrent de mériter leur estime : ils y réussirent. Le père Ricci surtout s’attira bientôt une grande considération, soit par sa douceur, par ses manières aisées, et par je ne sais quel air insinuant, dont on ne pouvait guère se défendre ; soit encore plus par son habileté dans la langue chinoise et dans les mathématiques, qu’il avait étudiées à Rome sous le célèbre Clavius.

Les Chinois furent d’abord charmés d’une carte de géographie que fit ce Père, quoiqu’elle redressât leurs idées, et les détrompât de l’erreur grossière où ils étaient sur l’étendue de leur pays, comparé au reste de la Terre. Il composa ensuite un catéchisme, où il expliquait la morale chrétienne, et les points de la religion les plus conformes à la lumière naturelle. Cet ouvrage fut reçu avec applaudissement, et eut cours dans tout l’empire.

Peu-à-peu le Père s’acquit une si grande estime, que tout ce qu’il y avait de gens considérables à Chao king et aux environs, se faisaient un plaisir de rendre visite aux missionnaires, et de les entretenir. Il n’y avait que le peuple, qui peu touché du mérite, et n’écoutant que son aversion naturelle pour les étrangers, accablait les pères d’outrages et d’injures, et s’attroupait pour les insulter jusque dans leur propre maison.

Cependant une église naissante se formait, et un nombre de catéchumènes écoutaient les instructions, par lesquelles on les disposait au baptême : mais le père Ricci se trouva bientôt seul à soutenir tout le poids de cette laborieuse mission. Deux étrangers demeurant dans un même endroit, donnèrent ombrage : et il fallut, pour adoucir l’aigreur des peuples, que le Père Roger retournât à Macao, d’où il fut ensuite envoyé à Rome. Quelques années après qu’il y avait moins de risque, il reçut du secours dans la personne du P. Antoine Almeyda, qui vint partager ses travaux.

Il y avait environ sept ans, que le père Ricci gouvernait cette église, qu’il avait formée avec tant de peines, lorsqu’un nouveau vice-roi arriva