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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/137

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l’injure faite à la loi du vrai Dieu. Sa Majesté publia aussitôt un édit, par lequel il était défendu de donner à cette loi le nom de fausse religion.

Ce qui donna tant d’estime à l’empereur pour les missionnaires, et ce qui mérita cette affection, dont il les a constamment honorés, ce ne fut pas seulement la grande capacité du père Verbiest, qu’on regardait comme le plus habile homme de l’empire en toutes sortes de sciences : mais ce fut en premier lieu la connaissance certaine qu’il eût de l’innocence de leurs mœurs, et de la vie dure qu’ils menaient dans l’intérieur de leur maison : il s’en était informé par des voies sûres et secrètes ; et il était si bien instruit de ce qui se passait, qu’il savait jusqu’à leurs austérités et leurs mortifications particulières. Ce fut en second lieu la persuasion où il était de leur tendre attachement pour sa personne, et de leur zèle pour son service, sans autre intérêt que celui d’accréditer la religion, de l’enseigner à ses sujets, et de l’étendre dans tout l’empire.

Un mouvement qui se fit dans les provinces, et qui pouvait avoir des suites très considérables, lui présenta l’occasion de rendre un service important au repos public. Ou san guey, ce fameux général chinois, qui introduisit les Tartares dans la Chine, pour exterminer les rebelles, et qui, sans le vouloir, contribua à la conquête qu’ils en firent, forma le dessein de délivrer sa patrie du joug tartare. En peu de temps il s’était rendu maître des provinces de Se tchuen, d’Yun nan, et de Koei tcheou : son exemple fut suivi des provinces de Quang tong, et de Fo kien ; et un célèbre pirate, avec une grande armée navale, conquit en peu de jours l’île de Formose.

S’il y avait eu du concert entre ces puissances liguées, la ruine des Tartares était presque certaine ; mais la jalousie les divisa : et ayant contraint ces derniers de faire leur paix avec l’empereur, il ne restait plus à réduire qu’Ou san guey, le plus redoutable et le plus puissant de ces révoltés : mais on ne pouvait le forcer dans ses retranchements que par le canon ; et tous ceux dont on se servait à la Chine, étant de fer, ne pouvaient, à cause de leur pesanteur, être transportés sur des montagnes escarpées, qu’il fallait passer pour atteindre l’ennemi.

L’empereur s’adressa au père Verbiest pour lui en fondre plusieurs pièces à la manière européenne. Le Père s’excusa d’abord sur le peu de connaissance qu’il avait des machines de guerre, et sur ses engagements dans la vie religieuse, qui l’avaient entièrement éloigné de tout ce qui concerne la milice séculière, et ne lui permettaient que d’offrir des vœux au Seigneur, pour attirer les divines bénédictions sur ses armes. Cette réponse fut mal reçue de l’empereur, auquel on fit entendre, que le missionnaire ne devait pas avoir plus de répugnance à fondre du canon, qu’à fondre des machines et des instruments de mathématique, surtout lorsqu’il s’agissait du salut de l’empire ; et qu’un refus si peu fondé, donnait lieu de soupçonner qu’il ne fût secrètement d’intelligence avec les révoltés.

Le Père, qui apprit le mauvais effet que ce soupçon faisait sur l’esprit du prince, ne crut pas devoir exposer la religion pour une fausse