Aller au contenu

Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les royaumes voisins, d’amener aucun Européen à la Chine. Il ne doutait point qu’une réponse favorable ne l'autorisât à confisquer le vaisseau et tous les effets.

Le père Verbiest, qui avait été averti de leur heureuse arrivée, en informa l’empereur, en lui disant que ces nouveaux venus étaient ses frères, et qu’ils pouvaient être très utiles par leur habileté dans les mathématiques. Ce ne sont pas des gens de ce caractère, répondit l’empereur, qu’il faut chasser de mes États ; et ayant assemblé son Conseil privé, la résolution fut prise de les appeler à la cour avec distinction : l’ordre était conçu en ces termes : Que tous viennent à ma cour, ceux qui sauront les mathématiques demeureront auprès de moi : les autres iront dans les provinces où bon leur semblera. Cet ordre fut envoyé au vice-roi, qui eût le chagrin de procurer à ses frais une entrée honorable dans l’empire, à ceux-là mêmes qu’il avait voulu en chasser d’une manière honteuse.

Des barques qu’on leur fournit, les portèrent en cinq jours à Hang tcheou, qui est la capitale de la province. Les chrétiens qui s’étaient si fort intéressés à leur affaire, par les prières qu’ils avaient adressées continuellement à Dieu, vinrent en foule au-devant d’eux sur le bord de la rivière, et les conduisirent à l’église, qui était gouvernée par le père Intorcetta.

Ce fut une joie bien sensible à ces nouveaux missionnaires, d’embrasser ce vieillard respectable par tant d’années d’apostolat, et encore plus par les marques glorieuses de confesseur de Jésus-Christ qu’il avait reçues dans les fers, et dans les prisons de Peking. Le vice-roi qui réside dans cette ville, leur fit préparer une barque impériale, sur laquelle ils s’embarquèrent, et donna ordre à un mandarin de les accompagner jusqu’à Peking, et de leur faire rendre les honneurs qui sont dûs à ceux qui sont appelés par l’empereur.

En treize jours ils arrivèrent à Yang tcheou, où ils eurent la consolation de voir le père Aleonissa, provicaire de M. l’évêque de Basilée, et le père Gabiani, jésuite. Là ils laissèrent le grand canal, dont la navigation fut interrompue par les glaces qui survinrent, et ils continuèrent leur route par terre jusqu’à Peking, où ils arrivèrent le sept de février de l’année 1688.

La joie qu’ils eurent de se voir au terme de leurs désirs, fut bien tempérée par l’accablement de douleur, où les jeta la triste nouvelle de la mort du père Verbiest, qu’ils apprirent à leur arrivée. Ils s’étaient flattés de se former aux vertus apostoliques par les lumières et les conseils de ce grand homme, qui avait confessé le saint nom de Jésus-Christ à la cour, et au milieu des tribunaux, sous le poids des chaînes, et dans l’obscurité des prisons ; et ils se voyaient privés de ce secours, dont ils sentaient le besoin, surtout dans ces commencements.

Les travaux continuels et excessifs du père Verbiest avaient fort affaibli son tempérament, tout robuste qu’il était, et l’avaient jeté dans une langueur qui dégénéra en une espèce de phtisie. Les médecins de l’empereur le soulagèrent quelque temps par ces cordiaux admirables que la Chine fournit, mais ils ne purent surmonter la violence de la fièvre. Après avoir